Сe dimanche ont eu lieu en Russie les élections législatives. Les députés élus siègeront jusqu'à fin 2016. Le scrutin est un scrutin de liste, à moitié proportionnel et à moitié direct. Près de 95.000 bureaux de vote on été ouverts en Russie et dans 140 pays à travers le monde, pour permettre le vote des russes de l’étranger. Contrairement à ce que la presse française a en général annoncé, ces résultats ne sont pas si surprenants. Une dernière estimation par sondages du 19 et 20 novembre 2011 prévoyait 48,27% pour Russie-Unie, 20,3% pour le parti communiste, et 15 et 12% respectivement pour les Libéraux-démocrates et pour Russie-Juste. Les résultats du vote sont très proches des chiffres de ces derniers sondages, et on ne voit donc pas ou une fraude massive (annoncée par certains médias français) serait allé se cacher.
Analyse des résultats.
Tout d’abord le parti au pouvoir Russie-Unie, que l’on peut qualifier de parti centriste et conservateur, aura la majorité simple mais il perd la majorité qualifiée avec 49,3% des voix, contre 64% en 2007. Une baisse significative de prés de 14% même si le score de 2007 avait été atteint grâce à une très bonne année 2007 d’un point de vue économique. Le score de 49,5% est aussi à comparer au score de 37.1% obtenu par Russie Unie en 2003. Le parti devrait donc obtenir 238 des 450 sièges de l’assemblée russe.
Le Parti Communiste de Russie et le parti Russie-Juste (de gauche, patriote et étatiste) sont les grands vainqueurs de cette élection. Le parti communiste a augmenté son score puisqu’il a obtenu 19,2% des voix contre 11,5% en 2007, passant de 56 à 92 sièges. Russie-Juste a aussi très fortement bénéficié de la baisse de Russie-Unie, obtenant 13% des voix contre 7,8% en 2007, le parti passant de 38 à 64 sièges. Ces deux mouvements passent ainsi de 19,3% à 32,35% et de 95 à 150 sièges. C’est à prendre en compte sous cette forme, parce qu’une fusion entre ces deux partis a été envisagée il y a quelques mois.
Le parti ultranationaliste Liberal-démocrate de Vladimir Jirinovski a lui obtenu prés de 12% des voix, un score stable par rapport aux élections de 2007. Son poids politique devrait sensiblement augmenter, de par le mode de scrutin, en l’amenant de 40 à 56 sièges.
L’opposition dite de droite et libérale n’a pas émergé. Iabloko atteint 3.9%, et Juste Cause 0,59% soit un total 4,49%, à comparer avec les 3,4% obtenus par les différents mouvements dits d’opposition libérales qui étaient présents en 2007 (Iabloko, Union de forces de droite, Pouvoir civil et Parti démocratique de Russie).
La répartition géographique des votes est sans surprises.
Russie-Unie obtient ses plus hauts scores dans le Caucase (ou il y a sans doute des litiges) mais également au Tatarstan, Bachkortostan, en Tchoukotka, en république de Touva, au Birobidjan, ou encore à Tioumen et Kemerovo.
Le Parti Communiste obtient ses meilleurs résultats à l’est du pays, à Sakhaline, Vladivostok, ou encore à Irkoutsk, Krasnoïarsk et Novossibirsk et en Bouriatie.
Russie Juste obtient ses meilleurs résultats dans l’Altaï, en Iakoutie ou également à Vladivostok.
Quand au LDPR ses plus hauts scores sont obtenus dans la Transbaïkalie, vers Khabarovsk et dans l’Amour.
Le parti Iabloko à obtenu ses meilleurs scores à Moscou (9%) et Saint-Pétersbourg (11%) mais également à l’étranger.
L’étude des votes à l’étranger est intéressante.
Au sein des pays de l’UE, Russie-Unie arrive en tête chez les russes d’Espagne, de Belgique et d’Italie. A Berlin, c’est le parti Iabloko qui est en tête, tout comme à Londres et Washington.
Qu’en est-il de la France? A Paris, Iabloko a obtenu 31,8% devant le parti communiste (21,7%), Russie Juste (17,1%), Russie Unie (16,3%) et le LDPR (7,98%).
A Bayonne, Iabloko et Russie Unie font course égale à 30% chacun, Russie-Juste recueillant 13,3%, le LDPR et le parti communiste recueillant chacun 6,5%.
A Marseille/Nice, Iabloko est aussi en tête avec 28,21% devant Russie-Unie (21,6%), le parti communiste (15,6%), Russie-Juste (15,3%) et enfin le LDPR (11,9%).
Enfin à Lyon, Iabloko est en tète avec 30,23% devant Russie-Unie (24,6%) et le parti communiste (19,45%). Russie Juste obtient 12,5% et le LDPR 9,09%.
En Lituanie, Russie-Unie obtient 40,96% et le parti communiste 18,07%. En Serbie, Russie-Unie obtient 50,3%, devant le Parti Communiste et le LDPR, chacun 13%.
Au Mexique et en Argentine, Russie-Unie l’emporte avec respectivement 37% et 49% et chaque fois devant le Parti Communiste qui recueille respectivement 19,5% et 17,23%.
Aux Emirats arabes unis, Russie-Unie emporte 30,3% des voix, devant le parti communiste qui obtient 22,92%. Au Soudan c’est le Parti Communiste qui l’emporte avec 25,5% des voix devant Russie-unie (23,43%).
En Ouzbékistan, Kirghizstan et Azerbaïdjan, Russie-Unie est en tète avec respectivement 60,6%, 72% et 56,95%.
Que déduire de ces élections:
L’existence d’irrégularités est un fait avéré. Pour autant quelques 7.000 journalistes et 650 observateurs internationaux ont surveillé les opérations de vote qui se sont déroulées correctement, les principales violations ayant été constatées pendant les dépouillements. Il est évident que le sens global du scrutin ne puisse être remis en cause par ces violations, et on peut se poser la question de savoir pourquoi le mainstream médiatique ne se focalise que sur celles du parti disposant de la ressource administrative et non sur l’ensemble de ces irrégularités.
- La forte hausse d’un bloc de gauche potentiel (parti communiste et Russie Juste) traduit sans doute un phénomène politique de fond: l’attachement des russes à des partis qui ont orienté leurs programmes sur le social, et défendent un état fort. Ce phénomène est sans doute à mettre en parallèle avec l’échec des partis politiques libéraux ou de droite, face aux électeurs russes.
- Cette mouvance dite libérale ou de droite semble en effet définitivement discréditée. Même dans les grands centres urbains, ou la population est la plus occidentalisée, ni le parti Iabloko, ni le parti de droite Juste Cause ne séduisent la nouvelle classe moyenne russe.
- La baisse de Russie-Unie est à mettre en perspective. Le parti règne depuis 9 ans et a du faire face à la crise financière en étant au pouvoir. Il a donc endossé les difficultés économiques qui en ont découlé, et les mécontentements qui existent dans divers segments de la société russe. La progression du parti communiste est a ce titre peut être moins un vote idéologique qu’un vote sanction contre Russie Unie.
Quoi qu’il en soit, on peut penser que les résultats des législatives ne devraient pas avoir de conséquences majeures sur la présidentielle de mars prochain.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.
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* Alexandre Latsa est un journaliste français qui vit en Russie et anime le site DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie". Il collabore également avec l'Institut de Relations Internationales et Stratégique (IRIS), l'institut Eurasia-Riviesta, et participe à diverses autres publications.