Quand on dit Russie traditionnelle, on pense aux matriochkas, aux œufs peints, aux balalaikas. La liste peut être longue. Parmi ces objets insolites il y a des inventions récentes, comme les poupées russes, créées à la fin du XIX siècle. Ou des inventions plus anciennes, comme les œufs : objets de tradition byzantine, témoins de la christianisation. Mais on oublie souvent, ou ignore, une création culturelle purement russe, introuvable ailleurs, comme les « gramotas » ou documents sur écorce de bouleau.
L’écorce de bouleau est le « papier à lettres » de la Russie ancienne, se subsituant aux parchemin réservé aux documents officiels, tandis que le vrai papier n’est pas encore connu. Toutes les couches sociales de la Russie ancienne, hommes et femmes confondues, l’utilisent couramment. A ce jour le sous-col de Novgorod a livré à peu près 1000 messages de ce type datés entre le XI et le milieu du XV siècles. D’autres villes de Russie en ont également découvert mais en bien plus faible quantitité, question de la composition du sol.
J’en parle parce que ces precieux documents qui n’ont jamais été reproduits pour les touristes, contrairement aux batteries de matriochkas, peuvent être admirés en France dans le cadre de l’exposition « Russie Viking…», organisée au musée de Normandie de Caen. Parmi d’autres objets insolites, ces documents, qui viennent directement de Novgorod, représentent une précieuse source d’information historique quant à la vie quotidienne de l’époque. Ce sont autant de lettres d’amour, de reconnaissance de dettes que de prières liturgiques ou de litiges familiaux.
Voici par exemple une gramota qui fait partie des écorces écrites par un jeune Novgorodien de 6 ou 7 ans, prénommé Anthyme. Contraint à faire des exercices d’écriture, le garçon s’amuse à graver sur son écorce des dessins : des bonhommes qu’il est difficile de distinguer de ce que dessinent les enfants d’aujourd’hui.
D’ailleurs toute cette exposition, qui raconte la vie russe sous les premiers princes vikings, dégage constamment une impression de modernité et d’aisance. Des pinces à épiler, des parures très baba cool, des bottines de femmes qui, une fois reproduites, pourraient figurer dans une collection automne-hiver 2011, des instruments de musique, des jeux….
Esthétiquement la culture matérielle de la Russie médiévale est une mine d’inspiration. Pour preuve il suffit de citer un très moderne Vassili Kandinski et ses confrères artistes de la fin du XIX – du début du XX siècle qui ont voué un grand amour pour la Russie ancienne. D’ailleurs, c’est de cette inspiration qu’est née la matriochka…