Biélorussie-Turkménistan: deux pays liés par le totalitarisme

© RIA Novosti . Ilya Pitalev  / Accéder à la base multimédiaAlexandre Loukachenko
Alexandre Loukachenko - Sputnik Afrique
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Les identités et les motivations des organisateurs du terrible attentat à Minsk seront pendant encore longtemps au cœur de débats enflammés. Mais les conséquences de la tragédie sont claires comme de l’eau de source.

Les identités et les motivations des organisateurs du terrible attentat à Minsk seront pendant encore longtemps au cœur de débats enflammés. Mais les conséquences de la tragédie sont claires comme de l’eau de source. La Biélorussie a connu la même chose que le Turkménistan en 2002 après la tentative d’assassinat du président Saparmourat Niazov. Le régime de ce-dernier, déjà autoritaire, est devenu franchement totalitaire.

Rappelons brièvement les événements au Turkménistan. A l’époque soviétique, Saparmourat Niazov était un fonctionnaire attentif et docile. Voici ce que dit l’ancien président du conseil des ministres de la République socialiste soviétique d'Ouzbékistan, Gaïrat Kadyrov, de son collègue Niazov, premier ministre du Turkménistan à l’époque de l’URSS: "Nous nous rassemblions souvent autour d’une table: [Saparmourat] Niazov, [Noursoultan] Nazarbaev et moi-même. Nous formions une joyeuse compagnie. J’étais bien plus âgé que Saparmourat. Je me souviens, une fois nous nous sommes arrêtés dans un l’hôtel pour boire un verre. Comme j'étais l'aîné, j’ai dit à Niazov d’aller chercher de la vodka, et il y est allé."

Cependant, après avoir accédé à la présidence du Turkménistan indépendant, Niazov est devenu un autre homme. Il a instauré un régime répressif violent. Par exemple, pour les ministres il est devenu normal d’embrasser la chaussure du président.

Il semblait à beaucoup que la situation au Turkménistan ne pouvait pas être pire. Mais ces personnes se sont trompées. En novembre 2002, la Mercedes blindée conduite par Turkmenbachi (père des Turkmènes, titre que Niazov s'était attribué, ndlr) en personne roulait sur l’avenue Turkmenbachi de la capitale Achkhabad. Un camion a soudainement débouché d’une ruelle et a bloqué l'artère, séparant ainsi la limousine du président à vie des véhicules de l'escorte. Puis le véhicule de Turkmenbachi a été mitraillé.

Plus tard, les observateurs indépendants ont relevé les nombreuses incohérences de la version officielle des faits. Mais bien sûr, cela ne pouvait pas stopper le tsunami des répressions. Des milliers de gens ont été jetés en prison. Personne n’a plus jamais revu la majorité de ces personnes.

Malgré le passé soviétique commun du Turkménistan et de la Biélorussie, ce sont des pays appartenant à des civilisations complètement différentes. Cependant, on s’étonne parfois du nombre de traits communs dans les biographies de Niazov et de Loukachenko.

Au début des années 1990, le député du Soviet suprême (parlement) biélorusse Alexandre Loukachenko était membre de la commission parlementaire pour l’élaboration d’une nouvelle constitution. Et quelle a été la principale contribution d’Alexandre Loukachenko au travail de la commission?

Selon les souvenirs des témoins, le futur président apparaissait généralement à la fin de la journée avec un bocal de vodka artisanale.

Mais parlons sérieusement. Dès avant l’explosion dans le métro, la situation en Biélorussie était relativement sombre. Comme me l’a dit un fonctionnaire russe bien informé, le budget de la république affiche un déficit de 7 milliards de dollars. Loukachenko compte recevoir cet argent de la Russie. Moscou est prêt à aider son partenaire de l’Etat de l’Union. Mais seulement en échange du transfert sous le contrôle de la Russie des entreprises stratégique telles que la société gazière biélorusse Beltransgaz. Mais Loukachenko refuse. Habitué à manipuler ses voisins, le chef de l’Etat biélorusse s’est retrouvé dans une impasse.

Et je ne suis pas convaincu que l'on saura un jour qui exactement était derrière l’attentat de Minsk. Mais d’une manière ou d’une autre, l’attentat a fourni à Loukachenko un prétexte pour encore resserrer les boulons. Dans cette situation, on ne peut qu'être solidaire des personnes qui ont un esprit critique en Biélorussie.

Toutefois, notre compassion ne doit pas concerner que les Biélorusses, mais nous-mêmes également. Un épisode intéressant s’est produit dans l’histoire des relations entre la Grande-Bretagne et l’Ouganda.

Dans les années 1970, cet Etat africain était dirigé par le dictateur extravagant Idi Amin Dada. Un jour, Amin Dada a décidé de s’octroyer un nouveau titre et s’est autoproclamé "Conquérant de l’Empire britannique et seigneur de toutes les bêtes de la terre et des poissons de la mer." Bien sûr, les politiciens britanniques ne voulaient pas avoir affaire à un tel personnage.

Mais en 1975, Amin Dada a ordonné d’arrêter et d’exécuter le scientifique britannique Dennis Hills. Le chef de l’Etat ougandais était prêt à gracier Hills à une seule condition: le ministre britannique des Affaires étrangères devait en faire personnellement la demande. Et James Callaghan qui occupait ce poste à l’époque a dû prendre l’avion pour aller s’incliner devant le dictateur africain.

Je ne veux comparer personne. Mais la Russie s’est depuis longtemps transformée en une sorte d’otage de Loukachenko. On peut penser tout le mal qu’on veut du président biélorusse. Mais tant qu’il dirige la Biélorussie, la Russie ne peut pas rompre ses relations avec lui.

Désormais, la Russie est liée par des liens étroits d’union avec le "Turkménistan de l'Europe". Certes si ce qualificatif est émotionnellement exagéré, il contient une grande parcelle de vérité.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

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