Zoufar Moukhetdinov, jeune Tadjik de 20 ans, ne va pas fêter la Journée internationale des migrants. Il n’en connait pas l’existence alors que lui, il est un vrai migrant : il est concierge dans un immeuble moscovite de grand standing et se croit très chanceux :
«Je suis originaire de Sarband de la province de Khatlon, dit Zoufar. J’ai eu mon bac là-bas et puis je suis venu à Moscou parce qu’il est très difficile de trouver du travail chez nous. Je voudrais travailler et faire les études. Pour devenir sauveteur de l’EMERCOM. Quels sont mes problèmes ? Ceux de tous les autres arrivants. Il faut un logement et payer son loyer, il est difficile d’obtenir un enregistrement, de trouver du travail surtout en hiver. Dans les rues il y a souvent des contrôles policiers. Mais malgré tout je me plais à Moscou. Les gens sont gentils avec moi et moi, je les respecte. La Russie est ma deuxième patrie. Aller travailler en Europe? Non, je ne voudrais pas, elle est étrangère, j’en connais pas la culture, la langue et le russe, je l’ai appris à l’école».
Nous avons parlé avec Zoufar le jour même des rixes nationalistes entre les jeunes à Moscou. Le jeune homme a décidé de passer la nuit à son lieu de travail. La hausse de la xénophobie et du radicalisme de droite en tant que conséquence de l’immigration de travail incontrôlée : ce problème n’est pas propre à la Russie. Au micro la directrice du centre moscovite «Immigration et loi» Guavkhar Djouraeva :
«Notre ministère de l’immigration compare leur politique avec celles existant à l’étranger et on voit qu’une bonne politique d’intégration n’existe nulle part. J’ai été la France, l’Allemagne, les États-Unis – là-bas aussi ils n’arrivent pas à fondre les arrivants dans le creuset commun des civilisations. Ceux-là préfèrent vivre en enclaves.
Oui, le monde moderne est inimaginable sans circulation de la main d’œuvre. Une personne sur cinq est migrante. Aucun État ne peut pas se passer du travail des migrants et les transferts d’argent effectués par les travailleurs à leurs familles constituent souvent la source principale de la monnaie étrangère et une composante importante du PIB d’un État.
En 2007 la Russie a adopté la loi sur le statut juridique des ressortissants étrangers qui a été qualifiée de « révolution d’immigration ». Dans le monde il n’en existe pas une autre aussi libérale. Elle permet aux migrants de travailler sans les attacher à un lieu de résidence. Mais par la suite des quotas d’emplois pour les migrants ont été adoptés et la situation de ceux-ci s’est à nouveau détériorée».
Il faut créer des centres d’emploi pour les migrants, est convaincu Guavkhar Djouraeva. Les migrants sont prêts aller travailler à Iakoutie ou dans Sakhaline pourvu que l’offre d’emploi soit intéressant. Or cela veut dire qu’il n’y aura pas d’enclaves ethniques, de xénophobie et nationalisme qui font souffrir non seulement la Russie mais aussi l’Europe, si politiquement correcte.
Au micro le rédacteur en chef du «Russie et la politique globale» Fedor Lioukyanov :
«L’Europe évolue rapidement. Il n’y a pas longtemps les déclarations qu’on entend des bouches des hauts dirigeants européens, étaient inimaginables. C’est par exemple la déclaration faite par Angela Merkel sur l’échec définitif de la politique de la construction du multiculturalisme et sur la nécessité d’avoir une approche totalement différente des problèmes d’immigration. Les Européens ne savent tout simplement pas quoi faire. D’où la réforme des retraites en France et l’augmentation de l’âge légale de retraite.
Je suis convaincu qu’on verra bientôt la droite radicale dans les parlements européens, elle est d’ailleurs déjà là ! En Allemagne Harry Potter a été battu par l’ouvrage du politique et financier Thilo Sarrazin qui affirme que le pays est en train de mourir, de s’autodétruire à cause des migrants. Il n’y a plus de place pour «les mêmes droits pour tout le monde», ce précepte de l’Union européenne!»
Il faut résoudre en urgence les problèmes d’immigration avant qu’ils n’enterrent pas l’intégration européenne, estime Fedor Lioukyanov. La Russie a aussi besoin de la paix en Europe: l’UE s’enfonçant dans la xénophonie est un voisin peu agréable.
