Les avortements restent un outil de la planification familiale

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Aujourd’hui, le 8 juillet, la Russie célèbre pour la 3ème fois sa nouvelle fête, le Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité.

Aujourd’hui, le 8 juillet, la Russie célèbre pour la 3ème fois sa nouvelle fête, le Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité. Toutefois, la connotation orthodoxe de la fête évoquant la mémoire des saints époux Petr et Fevronia est reléguée au second plan éclipsée par le rôle démographique de la fête dont le slogan « non-officiel » est « reproduisez-vous et devenez nombreux ». Le pays souffre d’une pénurie catastrophique d’enfants : il n’y en a que 26 millions, alors que 67 avortements accompagnent 100 nouvelles naissances.

Ce sont souvent des femmes très jeunes et enceintes pour la première fois qui décident d’interrompre leurs grossesses. Selon Pavel Astakhov, délégué aux droits de l'enfant auprès du président russe, en 2009 il y a eu près de 90000 interruptions de grossesse parmi les femmes de moins de 19 ans. Et ce ne sont que les statistiques officielles. Les femmes ne sont même pas effrayées par le danger de stérilité suite aux avortements. Les démographes sonnent déjà le tocsin : le nombre de couples russes sans enfants frôle les 20% ce qui dépasse de 5% le pourcentage d’il y a quelques années.

Tous les ans, il y a plus de 2 millions d’avortements en Russie. Mais l’Etat préfère garder le silence face à cette « question d’ordre morale », fait remarquer Elena Mizoulina, présidente du comité de la Douma russe aux affaires de la famille, des femmes et des enfants.

D’autre part, l’Etat a-t-il intérêt à mener une politique rigoureuse en matière de reproduction ? A l’époque de l’Empire Russe, une femme, en cas d’interruption de grossesse, était envoyée en « maison de correction » et le médecin en prison. Toutefois, les avortements devenaient de plus en plus nombreux. L’interdiction des avortements entrée en vigueur sous Staline, en 1936, a entraîné un raz-de-marée d’avortements clandestins et, par conséquent une mortalité accrue parmi les femmes. Après la mort de Staline, le Présidium du Soviet Suprême (parlement soviétique) a publié en 1955 l’arrêté sur « La levée de l’interdiction des avortement ». Les interruptions de grossesse ont commencé à être opérées, quoique sans anesthésie. Les médecins ne mettaient pas de gants blancs en traitant de telles patientes. Néanmoins, selon les statistiques, les femmes soviétiques pratiquaient, en moyenne, au moins 5 avortements au stade initial de la grossesse.

Ces interdictions n’existent plus de nos jours et la décision de la femme de mener à terme sa grossesse ou non est influencée par d’autres facteurs qui ne sont pas toujours sociaux ou économiques.

En 2009, 1 million 764 mille enfants sont nés en Russie. C’est le plus grand nombre de naissance depuis 1991. Or, les démographes mettent en garde contre un optimisme exagéré. Il est de notoriété publique que les mesures de stimulation économiques ne sont efficaces qu’à court terme. L’assistance financière et sociale de la part de l’Etat incite tout de même certaines familles à procréer. Mais la conjoncture économique n’est déterminante en matière de planification familiale que pour 8% des familles, explique Sergueï Zakharov, directeur adjoint de l’Institut de démographie de l’Ecole supérieure d’économie.

Nombreux sont les couples qui refusent d’avoir des enfants avant tout pour des raisons « idéologiques ». Les valeurs occidentales « importées » par la Russie depuis presque 20 ans y ont très bien pris racine. « Les personnes en âge de se reproduire ont désormais d’autres priorités, à savoir leur carrière et le besoin de se réaliser  », souligne Sergueï Zakharov.

Certes, certaines femmes ayant réalisé leurs rêves de carrière finissent par avoir des enfants et ces « naissances ajournées » ont contribué à la croissance du taux de natalité ces dernières années. Toutefois, nombreux sont les couples qui ne brûlent plus d’envie de mettre au monde un héritier après avoir mis des années à atteindre une certaine aisance financière.

Autre considération « idéologique » : il existe des stéréotypes familiaux de reproduction qui se transmette de génération en génération. Autrement dit, il est peu probable que les anciens enfants uniques (et c’est le cas de la majorité des adultes aujourd’hui) s’enhardissent à avoir plusieurs enfants. Le troisième enfant est, en règle générale, indésirable. Même le renouvellement simple de la population est, pour le moment, inaccessible, car il nécessite deux enfants en moyenne par famille.

C’est à l’âge de 13 ou 14 ans que les adolescents ont leur première expérience sexuelle, mais à cet âge ils connaissent trop peu leur propre physiologie et les moyens de contraception. L’école, pour sa part, préfère rester prude et transformer la sexualité en tabou. Comment peut-on prévenir des avortements dans ces conditions ? Les experts font remarquer qu’il est nécessaire que les médecins, les psychologues, les assistants des services sociaux et les juristes travaillent plus activement avec les jeunes filles dans les écoles, les services de gynécologie-obstétrique et les services d'aide psychologique. Des fondations à but non lucratif existent déjà dans de différentes régions russes pour accorder le soutien à des femmes enceintes dans une situation de crise. Les femmes seules, abandonnées ou violées se font assister sur le plan psychologique et matériel ; elles reçoivent, notamment, une partie des vêtements et objets nécessaires à leurs futurs enfants.

Des mesures législatives de contrainte suffisent parfois pour « faire entendre la voie de la raison » aux femmes venues pour avorter.

Il ne s’agit pas là de la célèbre Convention de l’ONU des droits de l’enfant qui stipule que chaque enfant à des droits même avant la naissance. La Convention est juridiquement en vigueur en Russie depuis 1990, mais elle est, de fait, constamment violée.

Il existe pourtant des moyens de pression plus concrets. Elena Mizoulina fait remarquer, en évoquant l’expérience internationale, qu’en interdisant tout simplement l’avortement le jour-même où la femme vient chez le médecin ou en obligeant les femmes à écouter le battement du cœur du fœtus, on assistera à une baisse significative du nombre des avortements. Un groupe interministériel est actuellement en train de mettre au point un projet de loi.

Elena Mizoulina estime inacceptable qu’il soit « possible d’avorter presque sans restrictions jusqu’à la 12ème semaine de grossesse ». Quant aux cliniques privées d’avortement, elles fonctionnent littéralement sans répit : les interruptions de grossesse s’y opèrent 24 heures sur 24 et la publicité des ces « usines » est débordante dans la plupart des média. Mais même en la limitant on ne peut s’attendre à un résultat sensationnel.

Le problème des avortements est extrêmement épineux. Il est difficile de dire s’il est pire de mettre au monde un enfant indésirable et l’abandonner après ou d’interrompre une grossesse fortuite dès le début. Les arguments de l’Etat, de l’Eglise et de la société sont souvent trop faibles. Les avortements au stade initial de la grossesse continuent à rester l’outil principal de planification familiale en Russie.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur

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