Le ministère russe de la Défense a officiellement notifié à l'état-major de l'OTAN à Bruxelles sa décision de suspendre toute coopération militaire avec l'Alliance atlantique. Auparavant, les mêmes notifications avaient été adressées aux ministères norvégien, estonien et letton de la Défense. Cela signifie que toutes les actions qui devaient avoir lieu cette année, avec la participation de l'armée russe et des contingents militaires de l'OTAN, ont été suspendues ou différées. Bref, gelées. Même si les relations entre Moscou et l'Alliance n'ont pas été rompues.
Jeudi dernier, lors d'un point de presse à Moscou, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré: "Nous n'avons pas l'intention de claquer la porte, et ils gardent la porte ouverte, eux aussi. Tout dépend des priorités qui seront fixées par l'OTAN". Selon le ministre, Moscou n'a pas plus intérêt à entretenir la coopération bilatérale que l'Alliance atlantique. Mieux, l'OTAN a énormément besoin du partenariat russe, surtout pour mener son opération internationale en Afghanistan "où se jouent les destinées de l'Alliance". Dans ce domaine, "l'aide de la Russie est fondamentale", a souligné le chef de la diplomatie russe.
Affirmer que les relations entre Moscou et l'Alliance ne se sont dégradées qu'à la suite de l'opération russe visant à contraindre la Géorgie à la paix revient à simplifier les choses. Ces relations étaient déjà dans un état critique avant, notamment après le refus de l'OTAN de prendre en compte la préoccupation russe due à la répartition inéquitable des quotas pour les armements lourds dans le cadre du Traité FCE.
Nous savons bien ce qui en a résulté. Le Traité FCE s'est écroulé, ensevelissant les mesures de confiance et de transparence militaire en Europe.
Une autre discorde - particulièrement virulente - a opposé Moscou et l'OTAN, sur la question de l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'Alliance. Faisant preuve d'une obstination farouche, l'OTAN s'est mise à entraîner Kiev au sein de ses structures, sans tenir compte du fait que la majorité des Ukrainiens s'opposait à l'entrée de leur pays dans cette organisation politique et militaire.
S'agissant de la Géorgie, le tableau est encore plus bouleversant. Ici, rien n'arrête l'Alliance atlantique, pas même le fait que le pays soit en conflit avec ses anciennes républiques autonomes, victimes de plusieurs violentes agressions géorgiennes. Les dirigeants de l'OTAN ne sont pas non plus gênés par la rhétorique belliqueuse de Tbilissi qui a souvent menacé de régler ses problèmes territoriaux par la force. Pis, les pays de l'Alliance et leurs partenaires ont intensément armé les troupes géorgiennes et déboursé des fonds considérables pour leur entretien et leur entraînement. On connaît le résultat. Faisant fi des accords internationaux, l'armée géorgienne est intervenue, sur ordre du président Mikhaïl Saakachvili, dans les zones de sécurité séparant les parties belligérantes et a agressé la population civile de l'Ossétie du Sud.
La réponse légitime de la Russie, déterminée à protéger ses ressortissants et soldats de la paix, a été qualifiée de "disproportionnée" à Bruxelles et condamnée par les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance.
Mais auparavant Washington avait opposé son véto à la demande de Moscou de convoquer une réunion extraordinaire du Conseil Russie-OTAN. Si la Russie a pris l'initiative de cette convocation c'est pour donner à son représentant auprès de l'Alliance, Dmitri Rogozine, l'occasion de brosser le véritable tableau des évènements en Ossétie du Sud. On en vient logiquement à se demander à quoi sert le Conseil Russie-OTAN.
Il y a tout lieu de croire qu'un dialogue impartial et une coopération fondée sur l'égalité en droits ne plaisent pas à certains dirigeants de l'Alliance. Ils préfèrent une politique faite de confrontation et d'ultimatums. Mais, comme l'a dit Sergueï Lavrov, la Russie a autant besoin de l'OTAN que l'OTAN a besoin de la Russie. Car les programmes de coopération entre Moscou et l'Alliance ont été élaborés compte tenu de leurs intérêts réciproques.
Une menace très sérieuse pèse actuellement sur la coopération entre la Russie et l'OTAN dans la lutte antiterroriste, en premier lieu en Afghanistan. Moscou n'a pas encore interdit aux avions de l'OTAN d'utiliser ses couloirs aériens entre l'Europe et l'Asie centrale pour acheminer le fret destiné aux troupes otaniennes se battant contre les Talibans et Al-Qaïda. Il n'est pas exclu que le Kremlin attende la réaction de l'Alliance à la suspension de la coopération militaire pour décider des démarches ultérieures.
Le choix des mesures est, hélas, très vaste. Dans un sens comme dans l'autre. La balle est actuellement dans le camp de l'OTAN.
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