Les experts russes et étrangers évoquent le prochain sommet Russie-UE

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Les 26 et 27 juin, le sommet Russie-UE qui se tiendra à Khanty-Mansiïsk donnera lieu notamment au lancement des négociations sur le nouvel accord de partenariat stratégique entre la Russie et l'Union européenne. Des experts et analystes politiques russes et étrangers ont exposé à RIA Novosti leurs prévisions concernant cette rencontre.

Sergueï Karaganov, président du bureau du Conseil pour la politique extérieure et de défense

Je ne pense pas qu'il faille s'attendre à quelques percées lors de ce sommet Russie-UE. Mais il y aura sans doute un tournant positif. Nous avons été assez longtemps privés d'un dialogue approfondi en raison de différents facteurs semi-artificiels, comme par exemple les divergences autour de la viande polonaise ou des problèmes phytosanitaires. Il ne faut pas s'attendre à des résultats rapides. Mais j'espère surtout qu'un dialogue énergétique plus intense pourra être engagé. Car la question en la matière est assez simple: il s'agit du prix du gaz et du pétrole. L'UE souhaite acheter du gaz meilleur marché et nous, nous ne souhaitons pas vendre du gaz à un prix moins élevé.

Vladimir Ryjkov, homme politique, publiciste

Premièrement, le président nouvellement élu participera pour la première fois à ce sommet. Deuxièmement, l'importance de ce sommet réside dans le fait que finalement, après deux ans de retards et d'atermoiements, qu'il s'agisse du veto polonais ou des objections lituaniennes et suédoises, etc., la Russie et l'Union européenne vont entamer une analyse en profondeur du nouvel accord entre la Russie et l'UE, qui doit remplacer le précédent Accord de partenariat et de coopération.

Sandra Fernandes, experte du Centre d'études politiques européennes, Belgique

Ces deux dernières années, les relations entre la Russie et l'Union européenne ont été marquées par différentes crises. A l'heure actuelle, la crise est surmontée et tous les membres de l'UE ont accepté d'entamer de nouvelles négociations avec la Russie. L'UE est en train de préparer des propositions attrayantes pour la Russie. D'autre part, la Russie doit de son côté accepter de coopérer avec l'Europe sur une base moins conflictuelle. Aujourd'hui, l'obligation et la responsabilité réciproques résident dans la coopération stratégique visant à aboutir à la stabilité dans une perspective à long terme.

Anatol Lieven, professeur au King's College de Londres, membre du club de discussion Valdaï

Je n'attends pas beaucoup (du sommet Russie-UE). J'espère qu'il aura pour résultat la poursuite et le renforcement des différentes formes de coopération pratique. En ce qui concerne les décisions plus importantes ou quelque progrès notable quant au nouvel accord entre l'UE et la Russie, je dois vous avouer que je ne nourris pas de grands espoirs.

L'UE pense toujours en termes d'accords de grande envergure, qui établissent des règles strictes et que les deux parties sont obligées de respecter. Une telle approche déplaît à la Russie... La Russie préfère, depuis de longues années déjà, régler les questions qui s'imposent à titre individuel, en signant des accords pragmatiques, et ce, en faisant souvent preuve de volonté d'aboutir à un compromis, mais elle ne veut pas être limitée par des règles communes. Et, naturellement, la Russie appréhende (et, comme l'expérience le montre, elle a tout lieu de le faire) que l'Union européenne ne tente de la lier par des principes communs et d'utiliser ces principes à l'encontre de ses intérêts.

Alexander Rahr, directeur des programmes Russie-CEI au Conseil allemand de politique extérieure, membre du club de discussion Valdaï

Je m'attends au début d'un processus de réchauffement entre l'Union européenne et la Russie. Le veto de la Pologne et de la Lituanie sur le lancement des négociations avec la Russie sur le nouvel accord de partenariat et de coopération a été levé, et c'est la France qui sera le principal moteur de ce processus. Dans la seconde moitié de l'année, c'est ce pays qui assurera la présidence tournante de l'UE. Outre les démarches visant à améliorer les relations entre la Russie et l'Europe, Nicolas Sarkozy aspirera à un rapprochement encore plus étroit, à une amitié avec la Russie, et contribuera à attirer les entreprises françaises sur le marché russe. Sous la présidence française, la Russie aura de nouveau la chance de mener un dialogue avec l'UE comme par l'intermédiaire d'un avocat.

L'énergie restera le thème principal et dans le même temps le plus grand problème lors de l'élaboration du nouvel accord de partenariat et de coopération. L'UE continue de s'en tenir aux principes de libéralisation des marchés énergétiques, ce qui est lourd de conséquences négatives pour des entreprises comme Gazprom. Les Européens, de leur côté, rencontrent des problèmes sur le marché russe, ce qu'on voit très bien dans le cas de la compagnie TNK-BP. Ces difficultés peuvent l'emporter sur la composante positive du sommet de Khanty-Mansiïsk. Le fait que la nouvelle Charte de l'Energie (qui devrait davantage tenir compte des intérêts de la Russie) n'existe pas encore complique également les choses.

Christian Wipperfürth, analyste politique, publiciste, Allemagne

Dans tous les grands pays européens, y compris en Allemagne, on constate une certaine assurance, presque une euphorie, vis-à-vis des perspectives positives pour les relations entre la Russie et l'Union européenne. Ceci est lié au nouveau président russe. Il existe de grandes attentes quant à l'approfondissement et l'élargissement de la coopération. Ce sont ces attentes qui détermineront l'atmosphère du sommet, alors que les personnalités les plus critiques envers la Russie y feront preuve de retenue. Cet été, je m'attends à des progrès dans les relations Russie-UE. En automne, des difficultés sont en revanche possibles.

Jan Rood, directeur du programme d'études européennes de l'Institut néerlandais de relations internationales Clingendael

Je m'attends au lancement officiel des négociations entre l'Union européenne et la Russie sur le nouvel accord de partenariat et de coopération. Le document actuel est expiré. Il a été prolongé d'un commun accord, mais un nouvel accord doit le remplacer.

J'estime qu'on profitera également de ce sommet pour étudier le climat politique actuel en Russie. Pour l'Union européenne, il est très important de comprendre l'attitude du nouveau président à l'égard de l'UE. En ce qui concerne les négociations, je ne pense pas que beaucoup de choses soient dites au cours du sommet lui-même. Les négociations débuteront, mais les négociateurs auront à faire face à plusieurs problèmes très difficiles comme l'énergie, la coopération en matière de sécurité, l'attitude de l'Union européenne et de la Russie envers leurs voisins, tels que l'Ukraine et la Géorgie. Pour l'instant, les deux parties ne sont manifestement pas d'accord sur ces questions. Et ces problèmes ne pourront pas être réglés d'un seul coup au cours du sommet actuel.

Laure Delcour, Directrice de recherche à l'IRIS, France

Pour ce sommet, je pense que c'est un sommet extrêmement important, d'abord parce que c'est le premier sommet de l'après Poutine ; donc c'est la première fois que Monsieur Medvedev va participer en tant que président à un sommet avec l'Union européenne et puis, deuxièmement ce sommet est extrêmement important parce qu'il va probablement lancer des négociations pour un nouvel accord entre l'Union européenne et la Russie. Ce nouvel accord sera déterminant pour les relations entre les deux partenaires au cours de la décennie à venir; donc la combinaison de ces deux facteurs, l'arrivée d'un nouveau président en Russie et le lancement d'un nouvel accord, fait que, en fait, tout va se jouer lors de ce sommet pour l'avenir des relations Union européenne - Russie. En ce qui concerne le contenu de ces relations, je suis plutôt raisonnablement optimiste, c'est-à-dire que la Russie et l'Union européenne sont des partenaires tout à fait incontournables, qui sont étroitement interdépendants et tous les deux ont intérêt à trouver un accord qui satisfasse leurs intérêts. Il y aura probablement des négociations difficiles avec des points d'achoppement pour certains secteurs et, en même temps, je pense que les deux parties sont conscientes de la nécessité d'une coopération avec des éléments essentiels comme l'énergie, le régime des visas qui devraient être les pierres angulaires du nouvel accord.

Thomas Gomard,  responsable du programme Russie - CEI à l'Institut français des relations internationales (l'IFRI)

La première  chose à dire est que ce sommet intervient dans un contexte particulier qui est le changement de la transition du leadership en Russie, d'une part, d'autre part, la présidence française, et en troisième lieu, comme horizon, les élections américaines à l'automne. Ca veut dire qu'on est dans une fenêtre particulière, où il y a un certain nombre de changements qui sont apparus. Alors, du côté de la présidence française, cela va se traduire notamment par le début de la négociation pour un nouvel accord cadre entre la Russie et l'Union européenne, négociation qui était bloquée depuis plusieurs années et qui va pouvoir démarrer, en principe, début juillet. Je crois que le sommet qui s'annonce, c'est un sommet à la fois qui clôt un cycle et qui en ouvre un nouveau, et les deux parties sont convaincues désormais de la nécessité, à la fois,  de  renforcer leurs liens et, en même temps, ont effectivement un certain nombre de vraies difficultés à surmonter. Je crois qu'on entre dans une nouvelle phase.

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