Venezuela: les armes et le pétrole

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Par Andreï Vassiliev, pour RIA Novosti
Par Andreï Vassiliev, pour RIA Novosti

Hugo Chavez a confirmé sa volonté de promouvoir à l'avenir la coopération économique avec la Russie qu'il considère comme une "union stratégique". Il s'agit notamment du renforcement de la défense du Venezuela et de plus larges perspectives dans le secteur énergétique.

A la veille de sa visite à Moscou, le président vénézuélien a évoqué ses projets. "On me demande souvent si le Venezuela envisage d'acheter des sous-marins. Et ma réponse est: pourquoi pas. Le pays possède 500.000 km2 de surface maritime. Une mer immense. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que nous achetions un sous-marin. Et cela ne doit pas constituer une source d'inquiétude. Est-ce que ce submersible sera doté d'armes? Certainement".

Les projets du chef de l'Etat vénézuélien irritent l'administration américaine. Evidemment, le Venezuela ne menace pas la sécurité des Etats-Unis. Qu'il s'agisse de cinq ou de neuf sous-marins à propulsion diesel, même dotés de missiles de théâtre, ils seront incapables d'endommager sérieusement la flotte US. Et les vingt-quatre SU-30 achetés à la Russie pour doter les forces armées vénézuéliennes ne sont pas susceptibles d'envahir l'espace aérien des Etats-Unis. Par contre, ces armes suffiraient pour compliquer sérieusement l'accès des puits de pétrole aux étrangers indésirables.

Le Venezuela dispose des plus grandes réserves mondiales de pétrole avec 87,7 milliards de barils recensés. Ce pays se classe sixième parmi les plus grands propriétaires des champs d'or noir. Depuis de nombreuses années, Caracas est l'un des importants fournisseurs d'hydrocarbures sur le marché américain grâce à sa situation géographique. Au début du XXIe siècle, plus de 60% du pétrole vénézuélien ont été vendus aux Etats-Unis. A l'heure actuelle, les livraisons quotidiennes se chiffrent à 1,5 million de barils. Hugo Chavez a déclaré tout récemment dans une interview à la chaîne de télévision ABC que Caracas "n'a pas l'intention de réduire ou de suspendre les livraisons" de pétrole aux Etats-Unis. Dans le même temps, il a ajouté que dans le cas d'une agression de la part de l'administration américaine, ces livraisons seraient stoppées.

Le président vénézuélien pourra le faire facilement. Le secteur pétrolier a été privatisé dans les années 1990 avant l'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez. Plusieurs transnationales dont les américains Exxon Mobil, Chevron Texaco et Conoco Phillips, le British Petroleum, le français Total et le norvégien Statoil, opérant sur les gisements de pétrole dans la ceinture de l'Orénoque (sud-ouest du pays, ndlr.) gardaient une certaine indépendance.

Le gouvernement du président Hugo Chavez a décidé en février dernier de reprendre le contrôle des ressources énergétiques du pays, trop longtemps maîtrisées par les transnationales étrangères, en nationalisant les hydrocarbures. Selon la nouvelle législation en vigueur, ce cadre réaffirme la propriété de l�Etat sur les réserves nationales et concède à l�entreprise d�Etat Petroleos de Venezuela S.A. (PDVSA) le monopole de la commercialisation du pétrole. Il a été proposé aux compagnies pétrolières qui opèrent au Venezuela de mettre en place des joint-ventures avec PDVSA. Désormais, PDVSA est propriétaire à hauteur d�au moins 60% de ces nouvelles entreprises mixtes.

"Nous ne souhaitons pas le départ des transnationales", a dit le chef de l'Etat vénézuélien avant de souligner que ce secteur stratégique de l'économie qu'est le pétrole ne doit pas se trouver entre les mains des sociétés privées. Le pays a besoin de pétrodollars pour pouvoir réformer son armée et surtout engager les réformes de l'agriculture, de la santé publique et de l'éducation. A ces fins, Caracas a conclu des accords de troc avec La Havane. Le Venezuela livre du pétrole à Cuba et aide à moderniser la raffinerie de Cienfuegos construite par des spécialistes soviétiques et qui transformera jusqu'à 65.000 barils par jour. A son tour, Cuba envoie à Caracas ses médecins et ses enseignants.

D'ailleurs, les projets de Chavez ne s'arrêtent pas là. Avec le pétrole, il projette de renforcer l'union des Etats latino-américains, qui, à son avis sera un nouveau centre de puissance sur le continent. Bien que plusieurs dirigeants latino-américains n'appuient pas l'antiaméricanisme de M.Chavez, ils n'ont rien contre le renforcement de leur indépendance vis-à-vis des Etats-Unis grâce aux hydrocarbures vénézuéliens bon marché. Aussi ont-ils approuvé à l'unanimité le projet de gazoduc transcontinental reliant le Venezuela à l'Argentine, au Brésil, à l'Uruguay et au Paraguay. Il sera long de 8.000 km, son coût étant évalué à 23 milliards de dollars. Plus tard, la Bolivie canalisera son gaz par cette conduite.

Le holding russe Gazprom est prêt à accorder son assistance aux Latino-Américains dans la réalisation de ce projet. Il propose sa coopération dans la production de tubes et la pose du gazoduc ainsi que dans la production du gaz liquéfié. Des premiers documents ont été déjà signés. Le président vénézuélien a apprécié l'aide des entreprises russes opérant dans le pays. Ainsi Lukoil effectue l'estimation et l'homologation internationale des réserves de pétrole sur les rives de l'Orénoque.

En plus, le désir des Japonais et des Chinois d'obtenir des hydrocarbures depuis des régions plus stables que l'Orient arabe ne cesse d'augmenter. Hugo Chavez s'est entendu lors de ses entretiens avec les dirigeants chinois à Pékin pour sextupler les exportations de pétrole vénézuélien en Chine, de 150.000 à 1.000.000 barils par jour d'ici 2012. Les sociétés d'investissement japonaises Marubeni et Mitsui Bussan ont signé avec PDVSA un contrat de quinze ans portant sur la livraison de 200.000 barils par jour.

Cependant, la nouvelle politique de M.Chavez dans le secteur pétrolier n'arrange pas les sociétés américaines. Ainsi Exxon Mobil et Conoco Phillips ont déclaré leur décision de suspendre leurs activités au Venezuela. Par contre, British Petroleum, Total et Statoil sont prêts à transférer au gouvernement de Caracas les droits d'exploitation des gisements de l'Orénoque.

Ce qui préoccupe Washington plus que les autres pays. Présentant au Congrès son message annuel à la nation, George W.Bush a consacré la moitié de son allocution aux mesures visant à assurer la sécurité énergétique du pays. Il a évoqué notamment la forte dépendance énergétique des Etats-Unis qui importent du pétrole en provenance de régions instables et a insisté pour mettre fin à cette dépendance en développant des technologies alternatives.

En effet, le développement des sources d'énergie alternatives prendra du temps et Washington cherche aujourd'hui par tous les moyens à influer sur Caracas. Des débats consacrés à la croissance de la demande globale de pétrole et ses effets sur la sécurité des Etats-Unis ont eu lieu récemment au Congrès américain. De l'avis de plusieurs législateurs, la dépendance énergétique empêche l'Amérique d'atteindre ses objectifs en matière de politique étrangère, tandis que les prix élevés des hydrocarbures permettent à des pays producteurs tels que l'Iran et le Venezuela de porter préjudice aux intérêts nationaux des Etats-Unis.

La conjoncture actuelle sur les marchés énergétiques n'est pas favorable aux Etats-Unis. Selon les pronostics du ministère américain de l'Energie, la consommation de pétrole dans le monde aura augmenté en 2007 de 1,4 million de barils par jour (mbj) et en 2008 de 1,6 mbj. La croissance de la consommation de gaz naturel constituera 3,4% en 2007 et 0,9% en 2008. La croissance de la demande de pétrole en 2007-2008 sera assurée pour moitié par la Chine et les Etats-Unis.

Certes, Washington fait preuve d'égoïsme dans ses préoccupations car il est certain que les immenses réserves du pétrole sont susceptibles de couvrir les besoins du monde entier. Mais c'est aux pays producteurs de décider de quelle manière. Ils doivent tenir compte des intérêts des voisins et de toute la communauté mondiale, sans pour autant nuire à leurs propres intérêts. Ces pays en ont le droit et le Venezuela aussi.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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