Egor Gaïdar, 50 ans, a été victime d'un malaise le 24 novembre dernier lors d'une conférence scientifique sur les relations russo-irlandaises à l'Université nationale de Dublin, et a été placé d'urgence à l'hôpital James Connolly. Le 26 novembre, il a été rapatrié en Russie pour suivre un traitement dans une clinique de Moscou. Lundi soir, il a quitté la clinique.
Dans un article publié jeudi par le journal russe Vedomosti et le Financial Times, Egor Gaïdar raconte avoir été entraîné le 24 novembre dans des événements qui "rappelaient tout particulièrement un roman policier".
"Je ne pensais pas que la célébrité mondiale me viendrait d'une manière aussi insolite. J'ai refusé sciemment d'accorder des interviews. Et pourtant je ne peux pas m'empêcher de raconter l'événement", écrit l'ex-premier ministre.
A ses dires, les jours qui ont précédé son malaise subit l'avaient beaucoup fatigué, car il avait effectué plusieurs déplacements de travail difficiles. Le premier jour de la conférence, Gaïdar s'est senti mal. "J'avais le sentiment d'être sous l'effet d'une anesthésie générale. Je voyais des objets, j'entendais des propos mais je n'arrivais pas à garder les yeux ouverts... Et une idée dans la tête: ça y est, je suis au bout du voyage", écrit-t-il.
Néanmoins, l'ex-premier ministre a trouvé la force de faire une intervention. Mais, lors de son deuxième discours, il a eu un malaise. "Au bout de dix minutes j'ai compris que je ne pouvais plus parler. J'ai demandé à l'assistance de m'excuser et je me suis dirigé vers la sortie. J'ai franchi la porte de la salle des réunions, puis je suis tombé dans le corridor de l'Université", poursuit-t-il.
Egor Gaïdar ne se souvient presque pas de ce qui s'est passé durant les heures suivantes. Lorsqu'il a repris connaissance à l'hôpital, il a pensé d'abord que la cause de son malaise était un "surmenage qui s'est ajouté aux maladies qu'on rencontre souvent chez les personnes ayant passé la cinquantaine: taux élevé de sucre dans le sang et hypertension".
Les médecins n'arrivaient pas à comprendre: le cardiogramme était parfait, la tension normale et le sucre dans la norme. L'ex-premier ministre, ayant repris connaissance, décide alors de rentrer en Russie pour se faire examiner par ses médecins traitants.
Mais à Moscou non plus les médecins n'arrivent pas à formuler leur diagnostic. Gaïdar constate que pour des raisons de déontologie médicale ils s'interdisent d'employer le terme "empoisonnement". "Pour affirmer cela, il faut identifier l'agent toxique, ce qui est impossible 60 heures après l'événement, surtout lorsqu'il s'agit de substances secrètes inconnues de la médecine officielle... Mais le bon sens dicte qu'il s'agit bel et bien d'un empoisonnement", écrit Egor Gaïdar.
D'après l'ex-premier ministre, le 25 novembre, l'idée lui est venue que cela pouvait être le résultat d'une action ciblée. Et il en est arrivé à la conclusion que s'il s'agissait d'un attentat, le mobile ne pouvait être que politique.
"Qui, dans les milieux politiques russes, aurait pu vouloir que je meure le 24 novembre 2006 à Dublin? Après mûre réflexion, j'ai exclu la version de l'implication des autorités russes. Après la mort d'Alexandre Litvinenko le 23 novembre à Londres, une autre mort violente, celle d'un homme largement connu en Russie, survenue le jour suivant, c'était la dernière chose dont avaient besoin les autorités russes", écrit Egor Gaïdar.
Il a rejeté, elle aussi, la version impliquant les nationalistes radicaux: "ce n'est pas leur style", a-t-il avancé.
"Donc, cela doit probablement être l'un des adversaires déclarés ou secrets des autorités russes, de ceux qui ont intérêt à aggraver de façon capitale les relations entre la Russie et l'Occident", conclut Egor Gaïdar.