Perspectives de la mise en valeur du gisement de Chtokman

S'abonner

MOSCOU, 23 novembre - Igor Tomberg, économiste à l'Institut d'études économiques et politiques internationales, en exclusivité pour RIA Novosti.

Des compagnies japonaises pourraient s'ajouter à la "short-list" qui comprend déjà cinq géants étrangers - Chevron et ConocoPhillips (États-Unis), Total (France), Norsk Hydro et Statoil (Norvège) - établie par Gazprom pour mettre en valeur le gigantesque gisement de gaz de Chtokman, en mer de Barents.

"Les entreprises japonaises ont beaucoup d'expérience, notamment en matière de transport, et nous pourrions les attirer au projet", a déclaré le patron du géant gazier russe Alexeï Miller, lors d'un forum d'investissement russo-japonais organisé récemment à l'occasion de la visite à Tokyo du président russe Vladimir Poutine, en faisant allusion aux compagnies Sumitomo Corp. et Mitsui & Co. dont l'expérience en matière de liquéfaction de gaz naturel est notoire.

La liste définitive des trois entreprises sera annoncée au premier trimestre de 2006, mais la dernière déclaration d'Alexeï Miller laisse supposer que la Russie pourrait proposer à ses candidats, y compris japonais, d'autres formes de coopération.

Une chose est sûre pour l'instant: les investisseurs sont ensorcelés par les perspectives et l'ampleur du projet, notamment dans le contexte du lancement du Gazoduc nord-européen. Le gisement est éloigné du littoral de 360 km, sa profondeur est de 320 m, alors que ses réserves prouvées se chiffrent à 3.200 milliards de mètres cubes de gaz naturel et à 31 millions de tonnes de condensat de gaz.

Les réserves prouvées pourraient encore augmenter de 300 milliards de mètres cubes cette année après le forage d'un septième puits de prospection, annonçait en avril dernier l'opérateur du projet Sevmorneftegaz, alors que Gazprom table sur un accroissement des réserves à hauteur de 600 milliards de mètres cubes. La mise en valeur du gisement doit débuter en 2006, et les premières fournitures de gaz liquéfié aux États-Unis sont programmées pour 2011.

Dans un premier temps, le gisement de Chtokman produira 30 milliards de mètres cubes de gaz, dont 22 à 24 milliards seront liquéfiés et exportés (15 millions de tonnes) à destination des États-Unis. La capacité prévue du gisement sera de 67,5 milliards de mètres cubes de gaz, soit l'équivalent de la production annuelle de la Norvège. Gazprom envisage d'installer également aux alentours de Saint-Pétersbourg une usine de liquéfaction de gaz et un terminal d'exportation.

La première phase du projet nécessitera 10 milliards de dollars d'investissements, dont près de 30% seront financés par les copartenaires et le reste à l'aide de crédits. Le total des investissements requis est estimé entre 19 et 21 milliards de dollars. Si aucune entente n'est intervenue pour l'instant sur les participations et le financement, on sait que la Russie entend contrôler le projet. Huit ou neuf méthaniers de 100.000 tonnes qui coûtent au minimum 150 millions de dollars chacun seront nécessaires pour assurer les exportations.

Le sous-sol russe recèle actuellement près d'un tiers des réserves prouvées de gaz naturel, et les principaux débouchés extérieurs du gaz russe sont les pays d'Europe occidentale et centrale. Face à l'accroissement de la capacité du marché et de la demande aux États-Unis et dans les pays d'Asie-Pacifique, les producteurs de gaz concurrents manifestent un vif intérêt. Autant de raisons pour lesquelles la Russie devrait coûte que coûte se tailler un créneau solide sur le marché gazier mondial.

Manœuvre stratégique, la Russie entend opter sur les exportations de gaz liquéfié pour briser sa dépendance vis-à-vis des consommateurs européens qu'elle ravitaille aujourd'hui par gazoducs. La liquéfaction offre plusieurs avantages notamment une plus grande souplesse et la possibilité de diversifier les orientations et les volumes des fournitures par méthaniers, ce qui permettra de mieux s'adapter à l'évolution de la conjoncture mondiale.

À l'heure actuelle, le gaz liquéfié représente 27,4% des ventes mondiales, et sa part doit atteindre 30% d'ici 2010. Mais si aujourd'hui le gaz liquéfié diversifie les exportations, il déterminera les cours mondiaux à l'avenir. Le passage de Gazprom à la production et à l'exportation de gaz liquéfié permettra de créer de nouveaux débouchés hautement rentables, comme les États-Unis, les pays d'Asie-Pacifique ou encore l'Espagne, présentement inaccessibles au réseau de distribution russe.

Dans cette optique, grâce à ses réserves importantes, sa situation géographique et ses prix séduisants, le gisement de Chtokman pourrait devenir la principale source de gaz liquéfié pour les États-Unis dont les besoins doivent s'envoler à 150 millions de tonnes par an d'ici 2020.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала