YOUKOS n'est plus un exemple à imiter

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MOSCOU, 18 mai. (Youri Filippov, commentateur politique de RIA-Novosti). Le procès judiciaire sans doute le plus retentissant de ces dernières années en Russie ne s'achève toujours pas. Les principaux coaccusés dans le cadre du "dossier YOUKOS" - Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev - écoutent déjà depuis plusieurs jours d'affilée les attendus du jugement les concernant, document bien volumineux de nombreuses pages. "A ces cadences, nous y passerons encore énormément de temps", se lamente Evgueni Barou - l'avocat de Platon Lebedev.

Or, au cours de la lecture du jugement, on se rend de mieux en mieux compte que la défense a, en fait, des problèmes de loin plus graves que celui des atermoiements de l'achèvement du procès en cours. C'est que la sentence dont la lecture est donnée par la juge Irina Kolesnikova répète, jour après jour, pratiquement mot à mot, l'acte d'accusation qu'avait été notifié à Mikhaïl Khodorkovski et à Platon Lebedev dès le début même de ces audiences judiciaires. Cela signifie bel et bien que la défense n'a toujours pas réussi à gagner la cour à sa cause et ce, en quoi que ce soit. Par conséquent, tout porte à croire que même dans le meilleur des cas pour les avocats, le jugement de culpabilité ne serait pas beaucoup plus clément que les dix ans de prison, réclamés par le procureur Dimitri Chokhine pour chacun des coaccusés.

Quoi qu'il en soit, l'ex-patron du géant pétrolier russe YOUKOS et, tout récemment encore, homme des plus riches de la Russie, Mikhaïl Khodorkovski, ne s'est pas reconnu coupable même sur un seul point d'accusation. Ainsi, fraude, détournement illégal de fonds publics, falsification de documents et évasion fiscale à grande échelle, tout cela n'est, selon Mikhaïl Khodorkovski, qu'une pure invention et un mensonge notoire.

Pourtant, le Tribunal intermunicipal Mechtchanski de Moscou en pense tout à fait autrement.

Bref, rien n'a aidé Mikhaïl Khodorkovski, ni les meilleurs avocats, ni sa propre dernière déclaration où l'ex-patron de YOUKOS s'est qualifié de "patriote de la Russie" qui n'avait pas travaillé pour sa poche, mais pour le pays. Le Tribunal est aussi resté tout à fait insensible aux pressions de divers groupes d'appui de Mikhaïl Khodorkovski, groupes de ses sympathisants qui exigeaient que l'on le reconnaisse un "détenu politique".

Néanmoins, il est encore trop tôt pour mettre un point final dans le "dossier YOUKOS". Tout au long de la procédure judiciaire, la défense a trouvé une multitude d'irrégularités qu'aurait commis, selon les avocats, le Tribunal. Ainsi, le jugement sera certainement attaqué en justice par la suite. D'autre part, le Parquet général de la Fédération de Russie a eu de nouvelles questions à poser à Mikhaïl Khodorkovski et à Platon Lebedev, questions liées notamment, comme l'a fait savoir la porte-parole du Parquet général, Natalia Vichniakova, à la légalisation des revenus à origines criminelles à grande échelle. Aussi, de nouvelles audiences judiciaires avec la participation de Mikhaïl Khodorkovski et de Platon Lebedev ne se feraient-elles sans doute pas attendre.

Il n'en est pas cependant moins vrai que ce ne sont pas du tout les schémas financiers avec la vente officielle de brut à des prix minimisés ni l'ultérieure expatriation d'authentiques bénéfices par l'intermédiaire des offshores qu'avaient utilisés Mikhaïl Khodorkovski et son "groupe organisé" (si l'on reprend le terme du Parquet général de la Fédération de Russie) qui suscitent aujourd'hui le plus vif intérêt et la plus grande indignation du public. C'est que dans les années du soi-disant "capitalisme oligarchique", de tels know-how "gris" avaient permis à de très nombreuses compagnies d'extraction de matières premières de voler littéralement l'Etat. Qui plus est, nul ne le considérait à l'époque comme quelque chose d'extraordinaire.

Le destin de Mikhaïl Khodorkovski qui, tout au long de la procédure judiciaire s'est vu privé de ses principaux actifs et a perdu la plus grande partie de ses biens et capitaux provoque souvent de même la compassion car c'est justement cet homme qui a eu à répondre pour tous, y compris pour ses propres ex-partenaires à YOUKOS, qui s'étaient cachés sans problème à l'étranger. C'est justement dans ce sens que Mikhaïl Khodorkovski est devenu le "héros" de son temps.

De ce fait notamment, l'opposition libérale radicale attend avec impatience la sortie de l'ancien oligarque de la prison, tout en le promettant à un très grand avenir politique. On écrit des livres sur Mikhaïl Khodorkovski. Dans ces livres, l'histoire de YOUKOS et de Mikhaïl Khodorkovski lui-même est examinée comme un exemple éclatant de l'évolution d'éléments du système économique soviétique dans le contexte de la libéralisation, des privatisations et de l'ouverture de l'économie.

Par ailleurs, même le pouvoir au Kremlin ne cache pas qu'il considère l''affaire YOUKOS" comme un procès en quelque sorte exemplaire. "Si ce n'aurait pas été YOUKOS, une autre compagnie se serait sans doute retrouvée à sa place", a récemment déclaré Igor Chouvalov, assistant du Président de la Fédération de Russie. Ce représentant du Kremlin estime notamment que du point de vue du renforcement de la discipline fiscale en Russie, l'"affaire YOUKOS" a été tout à fait nécessaire et même bel et bien utile.

Force est de reconnaître qu'il n'est pas du tout facile d'accepter ce point de vue qui est on ne peut plus dur. Et avant tout parce que, pendant trop longtemps, Mikhaïl Khodorkovski avait symbolisé le nouveau business russe, en personnifiant l'exemple d'une belle réussite dans l'économie russe post-communiste. Et voilà que désormais bien des investisseurs et hommes d'affaires, que ce soit en Russie même ou à l'étranger, auront besoin du temps pour comprendre enfin quels exemples sont dorénavant à imiter et ce, d'autant plus que ces nouveaux exemples doivent encore faire leur apparition.

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