Pour Pierre-Emmanuel Thomann, si l’élection de Trump marque un tournant dans la politique intérieure américaine, il est encore difficile de dire s’il s’inscrira dans la durée:
"L'élection de Donald Trump marque évidemment un tournant dans la politique interne américaine parce que les Américains, les citoyens, n'en pouvaient plus du modèle ultralibéral. (...) C'est une période fragile et qui ne permet pas de prévoir exactement. si les États-Unis sont définitivement revenus à une politique plus centrée sur le national et plus isolationniste, ou alors s'ils vont reprendre le cours géopolitique précédent de l'interventionnisme libéral à l'étranger".
En ce qui concerne la politique internationale américaine, selon Pierre-Emmanuel Thomann, il s’agit plus d’une reconfiguration stratégique, que d’une remise en cause du principe de domination américaine:
"Les États-Unis tentent de maintenir leur primauté mondiale avec une modification des doctrines. C'est toujours l'Amérique d'abord. Mais il n'est pas encore question du monde multipolaire. Les États-Unis acceptent peut-être la diversité des gouvernements, des cultures, peut-être des centres différents de pouvoir dans le monde, mais il n'est pas question d'accepter une multipolarité équilibrée. C'est pour ça que leur objectif est aussi de contrer la Russie, mais aussi la Chine. mais en poussant leurs alliés, qui sont des vassaux en réalité, à faire de la sous-traitance géopolitique pour le compte des priorités géopolitiques américaines".
Au-delà des apparences, Pierre-Emmanuel Thomann a beaucoup de doutes quant à une véritable rupture au sein des élites globalistes, c’est-à-dire entre les élites américaines et européennes:
"Il n'y a pas de fracture géopolitique fondamentale dans la vision des États-Unis et des capitales européennes, dans l'OTAN et dans l'Union européenne. Pourquoi? Parce que ces capitales sont incapables de penser en termes géopolitiques, de manière indépendante. Elles se coulent dans les priorités géopolitiques américaines depuis 1945, depuis le début de la guerre froide jusqu'à aujourd'hui".
Pierre-Emmanuel Thomann explique la radicalisation du discours politico-médiatique européen face à la Russie de deux manières. L’une liée à l’échec de la stratégie globaliste sur le front ukrainien:
"Premièrement, l'objectif est de camoufler leurs défaites et leurs humiliations. Puisqu'ils perdent sur le terrain géostratégique, il y a une tentative de compensation par la propagande, la guerre cognitive, de montrer que la Russie est l'agresseur et qu'il faut se préparer à long terme à une confrontation avec la Russie pour tenter à plus long terme éventuellement de prendre une revanche".
L’autre, liée à l’échec du projet européaniste:
"Cette crise en Ukraine est surtout une opportunité pour les idéologues de l'européisme qui savent très bien que les peuples ne sont pas prêts. à accepter une Europe fédérale ou une Europe intégrée avec l'effacement des États-nations. Et donc la crise en Ukraine est une opportunité pour fabriquer un ennemi de ce projet européen, la Russie, pour remobiliser les citoyens".
Comme le souligne Pierre-Emmanuel Thomann, le but des élites globalistes reste toujours le même, quelle que soit la voie suivie – diplomatique ou militaire:
"Il y a l'objectif de ces États européens d'empêcher la reconstitution du Monde russe, parce que la Russie réunifiée avec les États du monde russe serait une très grande puissance, et pour les globalistes, ceux qui sont en faveur d'un monde unipolaire basé sur la suprématie occidentaliste et le monde libéral, la Russie est une vraie alternative géopolitique. Il faut donc empêcher à tout prix la Russie de triompher dans ce conflit".
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