Avenir souverain

Restitution du patrimoine africain : entre mémoire volée et bataille politique

Malgré les débats, les anciennes puissances coloniales conservent toujours des milliers d'œuvres africaines, retardant leur restitution. Dans cet épisode, Moctar Sanfo, directeur général des Arts et de la Culture du Burkina Faso, revient sur l’histoire du pillage colonial et sur les défis que représente aujourd’hui la récupération de ces biens.
Sputnik
L’histoire coloniale ne s’écrit pas seulement avec des conquêtes militaires ou des frontières imposées. Elle s’écrit aussi avec le vol méthodique des objets qui faisaient la force spirituelle et symbolique des peuples africains. Selon Moctar Sanfo, ce pillage n’était pas un hasard, mais une stratégie de domination. Avec 9.296 œuvres d'art recensées selon le rapport Sarr-Savoy, le Tchad est le premier pays concerné par cette restitution, qui pourrait profiter au musée national tchadien.
“Un peuple n’est totalement vaincu que lorsqu’il est dépouillé des éléments qui fondent sa croyance. C’est ce qui a poussé les colonisateurs, militaires, missionnaires ou scientifiques, à s’emparer massivement des antiquités, afin de mieux connaître l’Africain… et surtout de mieux le dominer”, a-t-il rappelé.
Aujourd’hui, dans toute l’Europe, des milliers de ces objets témoignent encore de ce passé d’expropriation. En France, en Belgique, en Allemagne ou ailleurs, des collections entières proviennent du Burkina Faso ou d’autres nations africaines. Pourtant, obtenir leur restitution reste un parcours semé d’obstacles.

“Nous avons identifié près d’un millier de biens d’origine burkinabè à l’étranger. Mais sans inventaire précis et sans mécanismes juridiques solides, il est difficile d’engager une requête formelle pour leur retour”, affirme-t-il.

Certains pays, comme le Bénin, ont réussi à obtenir des restitutions emblématiques, mais la bataille reste politique et inégale.
“Les conventions internationales de l’UNESCO sont souvent défavorables aux pays africains, car beaucoup d’entre eux n’ont pas encore ratifié tous les instruments juridiques nécessaires. C’est pour contourner ces blocages que la CEDEAO et l’Union africaine avaient envisagé une approche commune”, explique Moctar Sanfo. Mais il ajoute que l’absence de priorités partagées freine encore cette dynamique.
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