Quel est le rôle de la France dans le conflit dans l’est de la RDC et ses tensions avec le Rwanda?

Les combats à l’est de la RDC entre les forces gouvernementales et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), majoritairement les Tutsis, durent depuis 2021. Les premiers graves affrontements avaient par ailleurs eu lieu entre 2012 et 2013.
Sputnik
Paris a accusé le Rwanda - dans lequel les Tutsis sont actuellement au pouvoir - de soutenir les rebelles. Kigali a rejeté ces allégations en ajoutant que "personne ne connaît mieux que la France les causes profondes et l'histoire" de ce conflit. Sputnik Afrique fait un tour d’horizon sur le rôle de Paris dans cette situation dont les racines remontent à l’époque du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, réalisé par les Hutus.

Aux côtés des génocidaires

La France est accusée d’avoir soutenu le gouvernement Hutu. François Mitterrand, dirigeant français à l’époque, entretenait des liens étroits avec son homologue rwandais Juvénal Habyarimana. De plus, certains rapports indiquent que Paris avait aussi fourni des armes aux autorités hutues. Ainsi, l’Hexagone aurait empêché l'avancée du Front Patriotique Rwandais (FPR), formé par les Tutsis.
Officiellement, le déploiement des forces françaises dans le sud-ouest du Rwanda a été alors autorisé par l’Onu le 22 juin 1994, dans le cadre de l'opération "Turquoise", plus de deux mois après le début des massacres.
Cependant, certains observateurs ont ensuite jugé que l'aide française était arrivée trop tard et que certains génocidaires avaient réussi à trouver refuge dans la zone humanitaire créée depuis par les autorités françaises.
De plus, au cours de l’évacuation des expatriés, les troupes françaises ont interdit aux Tutsis de les suivre. Les Tutsis issus de mariages mixtes n’ont pas été autorisés à quitter le pays, mais les autorités françaises ont sauvé plusieurs membres haut placés du gouvernement du Président Habyarimana et sa veuve Agathe. Cette dernière réside aujourd’hui en France, et est accusée par les autorités rwandaises de complicité de génocide. Un mandat d’arrêt international a été émis à son encontre.
Les massacres qui ont fait plus de 800.000 victimes ont pris fin quand l’élite hutue a été finalement évincée par le Front patriotique rwandais (FPR), un parti politique tutsi. Son patron, Paul Kagame, est l'actuel Président du Rwanda depuis 2000.

La flamme brûle toujours

Pour éviter les représailles, des Hutus ont fui dans la RDC voisine, et parmi eux beaucoup d’anciens responsables Hutus impliqués dans le génocide. Ils ont formé par la suite les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe militaire qui ambitionne de renverser Paul Kagame au Rwanda.
Les nouvelles autorités rwandaises n'en étaient pas satisfaites. Ainsi, le conflit interethnique est devenu l’une des raisons des deux guerres congolaises qui ont pris fin en 2003. Dans le même temps, des milliers des rescapés Tutsis se sont également déplacés vers l’est de la RDC. Sur place, ils ont commencé à dénoncer le mauvais traitement. Plus tard, le mouvement M23 y a été formé, acteur principal de la guerre dans le Kivu dont les membres sont à grande majorité des Tutsis.
Kigali reproche à Kinshasa de soutenir les FDLR, alors que Félix Tshisekedi pointe du doigt l’assistance du Rwanda à M23. Plusieurs voix dénoncent également le soutien de puissances occidentales.
"C'est l'Occident qui est derrière, car il est impossible que le Rwanda puisse tenir la guerre à l'intérieur de notre pays pendant autant d'années […]. Certainement que c'est l'Occident qui fournit des armes et tout ce qu'il y a comme assistance militaire", explique Dieudonné Mushagalus, coordonnateur national du Panel des experts de la société civile.
Il souligne que la RDC est "seule face à cette guerre qui a fait plus de 10 millions de morts et plus de 4 millions de déplacés".
Depuis 2021, les rebelles ont réussi à s'emparer de plusieurs localités dans la province du Nord-Kivu. Leur objectif est de prendre le contrôle de la ville de Goma, chef-lieu de la région.

Position controversée de Paris

En avril 2021, Emmanuel Macron a pour la première fois reconnu la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda. Une déclaration qui fait suite aux conclusions d’un rapport mené par une commission française sur ces événements. Selon le document, Paris porte des "responsabilités lourdes et accablantes" dans le génocide, mais il ne s’agit pas pour autant de complicité du génocide.
"La France s’est néanmoins longtemps investie au côté d’un régime qui encourageait des massacres racistes. Elle est demeurée aveugle face à la préparation d’un génocide par les éléments les plus radicaux de ce régime", stipule le document.
Cependant, Emmanuel Macron rejette toute responsabilité dans la situation actuelle en RDC, fragilisée par les hostilités dans la région des Grands Lacs. Il a même accusé les autorités de ne pas pouvoir assurer la sécurité:
"Depuis 1994, ce n’est pas la faute de la France, pardon de le dire dans des termes aussi crus, que vous n’avez pas été capables de restaurer la souveraineté ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays. C’est une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur", a-t-il affirmé lors de sa tournée africaine en mars 2023.
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