La décision de Paris d’envoyer des blindés Bastion à l’Arménie sert à militariser ce pays et risque d’aggraver la situation dans la région du Haut-Karabakh, a déclaré ce lundi 13 novembre Ayhan Hajizadeh, porte-parole du ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères.
"Nous condamnons fermement l'envoi par la France de véhicules blindés Bastion à l'Arménie", a-t-il indiqué dans un communiqué.
Selon lui, ces mesures prises par la France, qui affirme promouvoir le droit international et défendre la paix et la stabilité dans la région, "remettent en question les efforts visant à améliorer les relations dans la région sur la base […] du respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et des frontières internationales des États" et ne font qu'exacerber la situation.
M.Hajizadeh a dénoncé la campagne de diffamation menée par la France contre l'Azerbaïdjan et qualifié de destructrices les activités menées par ce pays dans la région.
"Ces mesures servent à militariser l'Arménie et montrent que la France est guidée par des intérêts erronés dans la région. L'Arménie et la France devraient mettre un terme à la politique de militarisation dans la région", a-t-il souligné.
Refusés par Kiev?
Le premier lot de blindés Bastion destinés à l'armée arménienne est en train d’être acheminé via la Géorgie.
Selon le journal Ouest France, ces engins ont été initialement destinés à l’Ukraine, mais l’armée ukrainienne les a refusés en raison de leur mauvaise résistance aux missiles antichars et au feu d’artillerie.
En 2020, le journal La Tribune avait annoncé que Paris comptait envoyer 20 Bastion à l’Ukraine.
Le Bastion est un véhicule blindé de transport de troupes français 4x4 polyvalent fabriqué par Acmat. Il est également classé comme véhicule blindé tout-terrain à quatre roues motrices de l'armée pour le transport de huit soldats et de leur équipement. Son blindage peut résister à une balle de 7,62 mm.
Tensions dans le Haut-Karabakh
La région du Haut-Karabakh à majorité arménienne est sujette de dispute entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie depuis 1988, année de proclamation unilatérale par cette région de l’indépendance par rapport à la république socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Après un conflit armé sanglant de 1992-1994, la république autoproclamée du Haut-Karabakh (Artsakh) est longtemps restée de fait indépendante sans être reconnue au niveau international, même par l’Arménie.
En septembre 2020, des hostilités ont de nouveau éclaté dans la région. Deux mois plus tard, Bakou et Erevan, avec la médiation de Moscou, se sont mis d'accord sur un cessez-le-feu complet et le déploiement d’un contingent russe dans la zone de conflit. Plusieurs régions du Haut-Karabakh ont été cédées à l’Azerbaïdjan.
En 2022, l’Arménie et l’Azerbaïdjan avec la médiation de la Russie, des États-Unis et de l'Union européenne, ont commencé à discuter d'un futur traité de paix.
Le 19 septembre 2023, après avoir bloqué le Haut-Karabakh pendant plusieurs mois, l’Azerbaïdjan y a lancé une nouvelle opération militaire. L'un de ses objectifs était la dissolution des autorités de la république non reconnue.
Un jour plus tard, grâce à la médiation des soldats de la paix russes, un accord de cessez-le-feu a été conclu. Il prévoyait entre autres le désarmement des formations arméniennes.
Par la suite, plusieurs volets de négociations ont eu lieu entre les représentants du Haut-Karabakh et de Bakou, consacrés à l'intégration de la région à l'Azerbaïdjan. Le Président Ilham Aliyev a déclaré que le pays avait restauré son intégrité territoriale et les autorités non reconnues de la région ont annoncé l'"autodissolution" de leur république à partir du 1er janvier 2024.
Du 24 au 30 septembre, plus de 100.000 habitants ont quitté le Haut-Karabakh pour l'Arménie. Selon un recensement, la république autoproclamée avait précédemment compté 120.000 habitants.
Mais la situation est loin de se calmer dans la région. L’Arménie dénonce les "purges ethniques" contre les Arméniens dans le Haut-Karabakh. Nikol Pachinian, Premier ministre arménien, a déclaré à Paris le 10 novembre que 500.000 Arméniens n’avaient plus la possibilité de vivre dans leur pays natal. La Cour internationale de justice (CIJ) de l’Onu devrait se prononcer le 17 novembre à La Haye sur les mesures provisoires à prendre à l’égard de l’Azerbaïdjan accusé par Erevan de discrimination ethnique dans le Haut-Karabakh.