L’enquête de la Commission indépendante sud-africaine n’a détecté "aucune preuve" à l’appui des allégations américaines selon lesquelles des armes auraient été chargées à bord du navire russe Lady R en décembre 2022 à Simonstown, au Cap, a annoncé le Président sud-africain lors de son allocution télévisée à la Nation du 3 septembre.
"Au cours de son enquête, la commission n'a trouvé aucune preuve qu'une cargaison d'armes ait été chargée sur le navire Lady R", a déclaré Cyril Ramaphosa, ajoutant que les enquêteurs n’avaient pas non plus trouvé de preuve permettant d’affirmer que ce navire transportait des armes d'Afrique du Sud à destination de la Russie.
Selon le Président, l’enquête a établi que le cargo accosté à la base navale de Simonstown devait "livrer des équipements commandés pour la Force de défense nationale sud-africaine en 2018 par Armscor, la société d’approvisionnement en armes du pays". Aux termes du contrat, ni Armscor ni la Force de défense nationale sud-africaine ne contrôlaient les moyens par lesquels le fournisseur de ces équipements assurerait leur acheminement en Afrique du Sud.
"L'Afrique du Sud dispose de lois claires qui réglementent la délivrance de permis concernant l'importation et l'exportation d'armes conventionnelles. Tous les permis nécessaires avaient été obtenus pour l'importation des équipements livrés par le navire […]. La commission n'a trouvé aucune preuve de conduite criminelle de la part des personnes impliquées", a précisé le Président.
"En fin de compte, aucune des allégations concernant la fourniture d'armes à la Russie n'a été prouvée et aucune des personnes qui ont formulé ces allégations n'a pu fournir la moindre preuve pour étayer les allégations portées contre notre pays", a conclu M.Ramaphosa.
Allégations nuisibles à l’économie sud-africaine
Le Président a déploré le fait que d'aucuns avaient remis en question la position de l'Afrique du Sud à l'égard du conflit en Ukraine en s’appuyant sur les propos émis en mai dernier par l’ambassadeur des États-Unis.
Ces accusations "ont eu un effet néfaste sur notre monnaie, notre économie et notre position dans le monde", a rappelé M.Ramaphosa.
Sa nouvelle déclaration sur l’affaire du navire Lady R survient quelques mois après l’annonce par M.Ramaphosa des résultats de l’enquête, alors que les États-Unis continuent d’exercer des pressions sur l’Afrique du Sud et d’autres pays africains qui intensifient leurs liens avec la Russie.
Les États-Unis se tirent-ils une balle dans le pied?
Réagissant au discours de Cyril Ramaphosa, l’hebdomadaire sud-africain Mail and Guardian a estimé que la tentative "ratée" de Washington d'accuser Pretoria de fournir des armes à Moscou avait failli provoquer la rupture des relations commerciales américano-sud-africaines.
Dans le même temps, le journal américain The Wall Street Journal a évoqué que les accusations de l'ambassadeur américain en Afrique du Sud, Reuben Brigety, avaient en fait miné les relations de Washington avec "l’économie la plus développée d'Afrique".
Le New York Times a qualifié cette période dans les relations entre les deux pays comme "la plus tendue" depuis de nombreuses années et a exprimé ses doutes que les résultats d’enquête obtenus puissent stabiliser les liens entre Pretoria et Washington.
Accusations gratuites
En mai, l'ambassadeur américain à Pretoria, Reuben Brigety, avait déclaré que son pays était convaincu que "des armes et des munitions avaient été chargées" début décembre 2022 à bord d'un cargo russe amarré près du Cap, en dépit de la neutralité déclarée de l’Afrique du Sud dans le conflit en Ukraine.
La présidence sud-africaine avait jugé "décevantes" les accusations de l'ambassadeur qui "sapaient l'esprit de coopération et de partenariat entre les deux pays", de plus qu’"aucune preuve n'ait été fournie pour soutenir ces accusations". Peu après, une enquête lancée par les autorités sud-africaines a démenti les informations de Washington.
Le 12 mai, Khumbudzo Ntshavheni, ministre sud-africaine de la Présidence, avait vivement critiqué les déclarations de l'ambassadeur américain et déclaré que Washington ne pouvait pas faire danser l'Afrique du Sud selon son bon vouloir. Elle a déclaré à la chaîne de télévision SABC que les États-Unis, qui avaient imposé des sanctions à la Russie, ne devaient pas entraîner l’Afrique du Sud dans leurs problèmes avec la Russie.
Reuben Brigety avait présenté ses excuses au gouvernement et au peuple sud-africain admettant avoir "franchi la ligne rouge".