Qu'est-ce que le missile intercontinental russe Sarmat appelé "Satan 2" par l’Occident?

Les missiles balistiques intercontinentaux Sarmat seront bientôt en service dans l’armée russe, comme l’a déclaré Vladimir Poutine. Quelles sont leurs caractéristiques? Pourquoi l'Occident leur donne-t-il le nom effrayant de "Satan 2"? Et pourquoi les planificateurs militaires russes espèrent-ils qu’ils ne seront jamais utilisés? Sputnik explique.
Sputnik
Les forces armées russes recevront bientôt des systèmes stratégiques Sarmat dotés d’un nouveau missile lourd, comme l’a déclaré le 21 juin Vladimir Poutine.
Il a également indiqué que la Russie continuerait à développer sa triade nucléaire. Celle-ci constitue une "garantie essentielle de la sécurité militaire de la Russie et de la stabilité mondiale".
Les médias occidentaux ont immédiatement réagi à ses propos. Un grand tabloïd britannique, le Daily Mail, a utilisé le terme "Satan 2" par rapport à cet armement, soulignant que le Sarmat "peut prétendument atteindre le Royaume-Uni en seulement trois minutes à partir de la Russie".

Qu'est-ce que le Sarmat?

Le RS-28 Sarmat est un missile balistique intercontinental russe de nouvelle génération, basé sur un silo, à trois étages et à carburant liquide. Il est équipé d’une tête mirvée dont le poids peut atteindre 10 tonnes. Il peut être équipé de 10 à 15 ogives, de deux dizaines de planeurs hypersoniques Avangard ou d'une combinaison d'ogives et de contre-mesures, y compris des ogives factices destinées à distraire et à tromper les défenses antimissiles ennemies.
La portée maximale du missile peut aller jusqu’à 18.000 km, ce qui signifie qu’il est capable d’atteindre n’importe quel point du globe via les pôles Nord ou Sud, selon la Défense russe.
Les premiers travaux de développement du Sarmat ont été entamés en 2011 par le bureau d'études Makeyev et se sont accélérés en 2014 après le coup d'État de Maïdan à Kiev, qui a coupé la Russie de toute coopération avec le complexe militaro-industriel ukrainien - dont les géants de l'aérospatiale Ioujnoïe et Ioujmach avaient été chargés de créer des missiles stratégiques lourds et à longue portée à l'époque soviétique.
Le Sarmat est conçu pour remplacer le missile stratégique lourd R-36M2 Voïevoda, mis en service pour la première fois en 1988.

Quand le Sarmat sera-t-il mis en service?

La Russie a effectué son premier tir de missile balistique intercontinental Sarmat le 20 avril 2022 depuis le cosmodrome de Plessetsk, dans le nord du pays.
Un contrat d'État portant sur la fabrication des missiles a été signé en août et la production en série a débuté en novembre. Fabriqués par l'usine de construction de machines de Krasnoïarsk (KrasMash), les premiers missiles Sarmat devraient être livrés à l'armée et entrer en service avant la fin de l'année 2023.

L’origine du nom

Le Sarmat porte le nom des Sarmates, ancien peuple scythique iranien de nomades, qui habitaient les territoires de la Russie, de l'Ukraine et du Kazakhstan actuels du VIe siècle avant Jésus-Christ au IVe siècle après Jésus-Christ.
L'Otan désigne cette arme comme le missile "SS-X-29" ou "SS-X-30", mais les médias occidentaux l'appellent souvent "Satan 2", probablement en raison des associations terrifiantes de ce terme avec le mal et la souffrance.
La nomenclature "Satan 2" provient en fait de l'appellation Otan "SS-18 Satan" utilisée pour le missile R-36M, le système de missiles que le Sarmat est censé remplacer, mais qui n'a jamais été utilisé par l'armée russe.

Contrer une menace américaine

Le nouveau missile lourd a été présenté comme la réponse russe à la Prompt Global Strike - un concept imaginé par les planificateurs du Pentagone, qui propose des frappes conventionnelles préemptives de missiles de croisière en masse ayant pour but d'atteindre n'importe quelle cible sur la planète, et ce en moins d'une heure.
Le concept de la Prompt Global Strike, dévoilé peu après le retrait des États-Unis du traité sur les missiles antibalistiques conclu avec la Russie en 2002, a poussé Moscou à dépoussiérer les plans de création d'une série d'armes de pointe, notamment des missiles et des véhicules planeurs hypersoniques, et finalement le Sarmat. Tout cela dans le but d'empêcher les chefs militaires américains de conclure que les États-Unis pourraient lancer une attaque-surprise contre la Russie, conventionnelle ou non, sans susciter une réponse dévastatrice et potentiellement fatale pour le monde entier.
Le Bulletin of the Atomic Scientists estime que chacune des ogives du Sarmat a une puissance explosive pouvant atteindre 500 kilotonnes, ce qui est suffisant pour raser complètement une grande zone métropolitaine. À titre de comparaison, les attaques nucléaires américaines sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945 avaient une puissance explosive de "seulement" 15 et 21 kilotonnes, respectivement, mais ont détruit les deux villes et tué plus de 225.000 personnes.
Mais la doctrine nucléaire russe limite l'utilisation des armes nucléaires aux représailles à une attaque ennemie majeure utilisant des armes de destruction massive, ou à une attaque conventionnelle si grave que l'intégrité de l'État est considérée comme étant en jeu. Cela signifie que la Russie n'utilisera jamais ses Sarmates ni aucune autre de ses armes nucléaires, tactiques ou stratégiques, à moins qu'une menace aussi grave n'existe.

Quid d’un analogue américain?

Les États-Unis n'ont actuellement pas d'analogue au Sarmat. Leurs missiles balistiques intercontinentaux Minuteman LGM-30, basés sur des silos, ont une portée opérationnelle allant jusqu'à 13.000 km, une masse projetée comprise entre 170 et 335 kilotonnes. Les États-Unis n'ont pas toutefois les mêmes restrictions que la Russie en ce qui concerne l'utilisation des armes nucléaires, l'examen de la posture nucléaire de 2022 de l'administration Biden autorisant l'utilisation en premier de l'arme nucléaire et même des attaques nucléaires contre des États non dotés d'armes nucléaires.
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