Pour la majorité des révolutionnaires, la guerre d’Algérie du 1er novembre 1954 est née le 8 mai 1945 à Sétif, Kherrata et Guelma. Ce jour-là, on fêtait la victoire alliée contre le nazisme à laquelle les Algériens avaient fortement participé. La répression par l’armée coloniale des manifestations organisées à cette occasion a fait des dizaines de milliers de victimes. Après cela, la lutte armée a commencé à apparaître comme le seul et unique moyen pour reconquérir l’indépendance du pays.
"Il est évident que le tueur va essayer de cacher au maximum le nombre réel des victimes de ce massacre pour minimiser son forfait", affirme à Radio Sputnik Afrique Belaïd Abane, professeur de médecine aux Hôpitaux de Paris, politologue et historien, auteur de plusieurs livres sur le Mouvement national et la Révolution algérienne, rappelant que "les autorités coloniales avaient avancé les chiffres de 2.000, 5.000 et 6.000 morts". Pour lui, parmi les massacres coloniaux, celui-ci était "l’un des plus meurtriers et des plus sauvages".
Et de souligner qu’"évidemment, personne ne les a crus! Pourquoi? Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a eu deux rapports d’enquêtes crédibles fournis par les services de sécurité français en Algérie, mais qui ont été étouffés sur ordre du général de Gaulle qui a ordonné l’arrêt immédiat des enquêtes".
Le Pr Belaïd Abane indique que "le premier rapport est celui du commissaire Bergé, réalisé dans la foulée à Sétif et à Guelma. Frappé par l’ampleur des massacres, il a dépêché un informateur de confiance, qui plus est ami du sous-préfet de Guelma André Achiary, pour mener cette enquête. Le second rapport est celui du général de gendarmerie Paul Tubert, chargé d'une enquête dès le 26 mai, qui avait recensé des centaines de victimes uniquement dans la région de Sétif et dénoncé ‘la raison d'État’ et ‘la commodité d'une répression aveugle et massive permettant de châtier quelques coupables parmi les milliers d'innocents massacrés’".
Dans le même sens, le Pr Abane rappelle à L’Afrique en marche que la célèbre historienne de la colonisation française en Algérie Annie Rey-Goldzeiguer, qui a consulté ces deux rapports, avait déclaré que ce sont "les plus horribles et plus assassins qu’elle avait eu à consulter au cours de sa carrière".
Enfin, Belaïd Abane estime qu’il "y a eu environ 50.000 morts dans la mesure où toutes les victimes n'ont pas été déclarées parce que les familles craignaient des représailles. Il y avait des morts partout, à tel point que le gouverneur général de l’Algérie à l'époque, le socialiste Yves Jean-Joseph Chataigneau, craignant la visite du ministre français de l'Intérieur, Adrien Tixier, qui devait venir à Alger, a ordonné qu'on fasse brûler les corps de manière industrielle dans un four de la ville d'Héliopolis, dans l’est de l’Algérie".
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