Un raz-de-marée noir. Frappée par l’embargo côté européen, la Russie a redirigé ses exportations de pétrole vers l’Asie. Et les clients ne manquent pas, comme le prouve le cas de l’Inde, qui est devenu un acheteur incontournable ces derniers mois.
New Dehli a ainsi acheté 1,64 million de barils de brut par jour en mars à la Russie, rapporte Bloomberg. Un record absolu, qui représente le double des achats à l’Irak, traditionnel fournisseur principal de l’Inde.
Les raffineries indiennes se fournissent en brut russe pour le convertir en essence et en diesel. Elles le vendent ensuite à l’UE, qui s’est coupée du pétrole russe mais aussi de tous ses dérivés.
Conséquence: Moscou fournit désormais plus d’un tiers de tout le pétrole importé par le Sous-Continent, selon l’outil d’analyse du fret énergétique Vortexa. Le pétrole russe pèse désormais lourd dans les importations totales indiennes, puisque sa part est passée de 1% avant le conflit ukrainien à 34% aujourd’hui.
Paiement en dirhams
Autre fait notable: l’Inde ne passe plus par le traditionnel dollar pour effectuer ses achats en Russie, mais préfère désormais le dirham des Émirats arabes. Une manière de contourner le plafonnement des prix européens, fixés à 60 dollars. Cette limite empêche notamment les autres pays d’utiliser les services de transports et les assurances européens si le pétrole est vendu trop cher.
"Près d’un quart des importations russes sont désormais payées en dirham émirati", explique un responsable de l'industrie pétrolière indienne à Bloomberg.
Fin mars, l’Inde avait déjà dévoilé ses intentions de s’éloigner du dollar, pour faire de la roupie une monnaie internationale, à travers une nouvelle politique de commerce extérieur. Les importations de pétrole iranien utilisent surtout cette monnaie. La Malaisie a aussi accepté d’introduire la roupie pour ses échanges avec New Delhi.
D’autres pays sont également impliqués dans ce processus de dédollarisation, en particulier la Chine, qui souhaite internationaliser le yuan. Moscou appuie d’ailleurs les efforts de Pékin et a proposé aux pays africains de se pencher sur ce type de règlements.
Les privilèges exorbitants du billet vert commencent même à agacer en Europe, puisque le Président français à récemment pester contre "l’extraterritorialité du dollar", après une récente visite en Chine.