Pour lancer son cycle de conférences sur les grandes personnalités internationales, l’Ambassade française de Bangui a choisi le célèbre poète russe Alexandre Pouchkine, dont la mémoire est célébrée le 10 février. Pourtant, dans l’exposé du 1er conseiller de l’Ambassade de France en Centrafrique, celui qui a marqué une nouvelle ère pour la langue littéraire russe a été présenté comme "l’Africain, le Français".
Retraçons les racines de ce célèbre romancier et poète pour comprendre pourquoi il est irréfléchi de dire qu’il est "Français".
Sur les traces de ses origines
La mère d’Alexandre Pouchkine est Nadejda Ossipovna, descendante d’Abraham Hannibal (ou tout simplement Hanibal), esclave et commandant africain qui a été acheté clandestinement pour le compte de Pierre le Grand. Abraham est ensuite devenu le secrétaire du tsar et a terminé sa carrière comme général en chef dans l’Armée impériale. Alexandre Pouchkine a dédié à l'histoire de son grand-père le roman inachevé Le Nègre de Pierre le Grand. Ce fut le premier roman historique russe.
Quant au pays d’origine d’Abraham Hannibal, il existe deux versions principales, celle qui avance que l’Abyssinie (l’Éthiopie contemporaine) était son lieu de naissance et la deuxième, selon laquelle il vivait à la frontière du Cameroun et du Tchad actuels, où se trouve le sultanat de Logon du peuple Kotoko. L’auteur de cette théorie est Vladimir Nabokov, l'auteur de Lolita. Cette hypothèse a par la suite été développée par un diplômé de la Sorbonne, le slaviste béninois Dieudonné Gnammankou.
Le "Français"?
Au lycée impérial de Tsarskoïe Selo, où le futur poète a fait ses études, il était de coutume pour les lycéens de se donner des surnoms. Pouchkine en avait plusieurs, dont… "le Français". En effet, il maîtrisait merveilleusement cette langue et écrivait à l’époque en français encore mieux qu’en russe.
Il convient de citer un passage du fabuleux roman Eugène Onéguine. Alors que l’héroïne principale Tatiana décide d’écrire à Onéguine une lettre, elle le fait en français puisqu’elle maîtrise le russe très mal. Pouchkine l'explique à son lecteur et traduit la lettre en russe. Au sein de l'empire tsariste, à cette époque, la langue de Molière était en effet plus parlée par les aristocrates que leur langue maternelle.
Pourtant, Alexandre Pouchkine est considéré comme le créateur de la langue russe littéraire moderne. Il a été le premier poète à s'émanciper des constructions lourdes qui ne faisaient qu'enrober maladroitement ses idées, afin de toucher à leur quintessence.