Ukraine dans l’Otan: Bruxelles a franchi la ligne rouge, admet un ancien commissaire européen

Bruxelles a dépassé les bornes en poussant l’Ukraine à entrer dans l’Otan en 2008, a déclaré à Sputnik l’ancien commissaire européen Günter Verheugen. L’UE n’a jamais tenu compte de la Russie dans ses propositions.
Sputnik
Les langues se délient peu à peu à propos des errements qui ont pu conduire à l’escalade en Ukraine. Après les aveux de plusieurs dirigeants au sujet des accords de Minsk, c’est désormais l’ex-commissaire européen Günter Verheugen qui pointe du doigt l’attitude de Bruxelles et de l’Otan vis-à-vis de Kiev.
Dans un entretien au Berliner Zeitung, l’ancien responsable a ainsi critiqué les résultats du sommet de Bucarest de 2008, qui proposait à l’Ukraine un plan d’action pour intégrer l’Otan. L’Alliance atlantique a ainsi balayé d’un revers de main les considérations de sécurité russe.
"Je suis convaincu qu'en 2008, la proposition faite à l'Ukraine de devenir membre de l'Otan a délibérément franchi la ligne. C'était inacceptable pour la Russie en raison de ses intérêts de sécurité", a déclaré Günter Verheugen.
Bruxelles a par ailleurs joué un jeu trouble, en promettant à Kiev une adhésion à l’UE, sans en avertir Moscou, a ajouté l’ex-commissaire. Une erreur au vu de la proximité entre la Russie et l’Ukraine.
"Les Russes et les Ukrainiens ont de nombreux liens culturels, économiques et sociaux. Nous n'avons pas donné à la Russie son mot à dire dans l'élargissement de l'UE à l'Est", a ainsi regretté celui qui fut aussi vice-président de la Commission européenne.

Washington avait le plus à perdre

Günter Verheugen a encore regretté l’attitude de Washington, qui cherche selon lui à tout prix à affaiblir la Russie depuis les années 1990. Les États-Unis ont notamment profité de la présidence de Boris Eltsine pour exploiter le pays, rappelle le responsable. Par ailleurs, Washington avait tout à perdre à voir la Russie et l’Allemagne "adopter un langage commun", souligne-t-il.
Finalement, l’ex-commissaire regrette le rendez-vous raté entre la Russie et l’Europe. Selon lui, Bruxelles n’aurait jamais dû proposer à Kiev un simple choix entre l’UE et l’Union eurasienne. Avec plus de liberté, l’Ukraine aurait sans doute pu jouer un rôle pivot dans la création d’un grand espace économique, s’étendant de Lisbonne à Vladivostok. Une idée que Vladimir Poutine avait d’ailleurs soulevé en 2010, dans une tribune au Süddeutsche Zeitung.
Début février s’était encore tenu un sommet UE-Ukraine, visant à planifier l’adhésion de Kiev aux Vingt-Sept, à court terme. Le processus pourrait aboutir "dans les deux ans", à en croire le Premier ministre ukrainien, Denys Shmyhal. Certains observateurs sont cependant plus sceptiques, en particulier au sujet de la corruption qui règne dans le pays, loin des standards européens prévus dans ce domaine.
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