Le 26 décembre 1945, le Journal officiel de la République française a publié le décret entérinant le franc CFA, signé un jour plus tôt par Charles de Gaulle et les ministres des Finances et des Colonies de l’époque.
77 ans plus tard, l’économiste-chercheur sénégalais Demba Moussa Dembélé s’exprime pour Sputnik sur le rôle de cette monnaie pour les pays africains.
"Pour les pays africains, c’est un mal à la fois sur le plan économique et sur le plan politique", n’hésite-t-il pas à affirmer.
Côté économique, il cite plusieurs raisons, notamment le fait que les pays qui l’utilisent sont parmi les plus pauvres du monde.
Une autre est la domination des sociétés et banques françaises dans les économies des pays où le franc CFA est en circulation.
"Au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Niger, au Togo, etc., les secteurs clés sont aux mains des sociétés françaises et les banques sont presque toutes des filiales des banques françaises. La liberté de circulation des capitaux entre ces pays et la France permet aux entreprises françaises de rapatrier librement leurs bénéfices, sans contrôle de change sur les montants ni risque de change", explique M.Dembélé.
Un moyen de maintenir le statut de grande puissance
Du point de vue politique, la France maintient sa tutelle sur les économies des pays CFA ce qui lui permet de bénéficier du statut de "grande puissance" en Europe et dans le monde.
"Sans cette influence sur les pays africains, la France aurait un statut sans doute moins important que celui de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne."
Intérêt géopolitique de la France
En outre, la France s’évertue par tous les moyens à garder le franc CFA arrimé à l’euro. Cela lui assure la libre circulation des capitaux entre les pays de la zone et l’Hexagone dans l’intérêt des entreprises françaises et celle des pays membres de la zone euro.
"Sur le plan politique, la France continuera à jouer le rôle de ’parrain’ des pays CFA, donc à maintenir son statut sur le plan géopolitique", estime le chercheur.
Obstacles au projet d’une monnaie unique ouest-africaine
Malgré ces aspects négatifs, le projet d’une monnaie unique de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui date de plusieurs décennies, piétine.
En cause, les différences de taille et de niveau de développement des pays de la Cedeao; les critères de convergence copiés sur ceux de Maastricht, mais aussi l’instabilité dans plusieurs pays à cause soit de guerres civiles, soit de coups d’État.
"Or sans stabilité politique, il est impossible de mettre en œuvre des décisions économiques majeures. A ces problèmes objectifs, il faut ajouter un problème politique subjectif: la réticence des pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) d’abandonner le franc CFA", résume M.Dembélé.