La révolution algérienne est célébrée le 1er novembre, quels sont les souvenirs et les après-goût que retient le pays, 60 ans après avoir opté pour l’indépendance?
Au micro de Sputnik, l’ex-ministre algérien de l’Industrie, Ferhat Ait Ali, explique que certains "vivent la fin du colonialisme comme une sorte de divorce, pas comme une libération d’un intrus".
Dans le même temps, pour Ahmed Rouadjia, historien et sociologue algérien, "cette indépendance ne s’obtient pas du jour au lendemain".
À ce propos, il identifie un double effort consenti: d’un côté, les dirigeants algériens résistent pour "obtenir un surcroît d’autonomie vis-à-vis des puissances étrangères", et de l’autre, il y a "une volonté constante et renouvelée d’être indépendant sur le plan politique et économique".
Transfert technologique
Ferhat Ait Ali a, par ailleurs, mis en lumière de réels problèmes de "transfert de technologie".
"La vision coloniale, exploitatrice du monde s’affiche dans les actes, dans la diplomatie agressive de ces pays (ex-colonisateurs, NDLR). Je ne pense pas qu’il y en ait un seul qui puisse essayer de transformer ses ex-victimes et supplétifs en futurs alliés et rivaux économiques et commerciaux", analyse-t-il pour Sputnik.
En guise d’exemple, il estime que "si jamais les constructeurs automobiles occidentaux relocalisent, ils laisseront un terrain vague derrière eux dans les pays africains", puisqu'il "n’existe pas d’industrie automobile africaine".
"Le ras-le-bol des Africains" à l’égard de la France
plus de 70 ans après les indépendances, certains pays africains, comme le Mali, le Burkina Faso, le Tchad ou le Niger s’opposent à la présence française. Pour le sociologue Ahmed Rouadjia, ce "ras-le-bol des Africains et leur désaffection à l'égard de la France sont essentiellement liés à la présence exploitatrice et dominatrice" de l’Hexagone dans le continent africain.
Pointant la "mentalité de supériorité" et le "mépris affiché dans la vie politique et sociale", les deux traits toujours propres à la France, l’historien indique:
"[Les Français] considèrent toujours […] comme si ces pays étaient encore des colonies françaises et que donc les Africains doivent leur obéir au doigt et à l’œil".
Sympathie pour la Russie
Après avoir découvert, au fil des années, que leur indépendance "n’a été que formelle", "les élites militaires et politiques africaines commencent à se réveiller et à prendre conscience de cette domination française qui se perpétue partout en Afrique", poursuit par ailleurs l’historien.
C’est ici que la révolte a pris racines au sein de l’élite malienne et africaine en général, "d’où la sympathie qu’elles éprouvent pour la Russie", toujours selon Ahmed Rouadjia.
"La Russie dit: Stop, on en a ras-le-bol d’avoir la même puissance mondiale depuis 45, qui impose ses lois et qui donne des ordres à tous les pays. Il y a un changement politique clair et net au niveau mondial, il y a un chamboulement, un refus de l’ordre mené par les Américains", conclut-il.
Question mémorielle avec la France
Quant à la question de la "réconciliation des mémoires", la ligne de conduite des gouvernements successifs, est "mi-figue, mi-raisin", estime l’historien. Et d’expliquer:
"Tantôt ils reconnaissent qu’il y a des crimes, tantôt ils renient ce qu’ils ont déclaré", observe M.Rouadjia.
Il pointe également "un paradoxe incurable" de la France pour qui "les victimes sont bilatérales". Pour lui, le rapport Stora commandé par Emmanuel Macron s’est avéré être "unilatéral", mettant tout le monde "dans le même panier":
"Tout se passe comme si l’Algérie était l’égal de la France, comme si l’Algérie n’était pas dominée, colonisée, torturée, massacrée. C’est ça le problème de la réconciliation qui a été proposée par Macron et ses experts."