Afrique en marche

Sankara pour l’Afrique aujourd’hui: "Il faut sortir du diktat du dollar, de l’euro et du Franc CFA"

Dans cette première édition de l’émission L’Afrique en marche, de Radio Sputnik Afrique, trois experts s’expriment sur l’héritage et le sens à donner aujourd’hui au combat de Thomas Sankara, le "Che Guevara burkinabé". Il a été tué le 15 octobre 1987, trois mois après un mémorable discours sur la dette, au sommet de l’OUA.
Sputnik
Que vaut aujourd’hui le combat mené par le père de la révolution burkinabé, Thomas Sankara? Combat de tous ses frères panafricanistes, au moment où les populations africaines crient haut et fort leur ras-le-bol des systèmes politiques post-coloniaux, accusés de servir les intérêts des anciennes puissances coloniales.
À l’occasion du 35e anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara, trois experts en relations internationales et en économie nous livrent leurs appréciations sur des questions cruciales, à l’aune des nouveaux bouleversements mondiaux: où en est l’Afrique en matière de sécurité alimentaire? Pourquoi les relations économiques entre Paris et ses anciennes colonies ne débouchent pas sur des partenariats gagnant-gagnant.

"Ces monnaies imposées aux pays africains les empêchent de s’émanciper financièrement et économiquement"

Ainsi, pour Ahmed Kateb, chercheur algérien en relations internationales, s’il y a une façon de redonner sens et vie au combat de Sankara -qui partageait sa vision du monde avec l’ancien Président algérien Houari Boumediene-, c’est en sortant "du diktat -et il faut souligner avec force le mot diktat- des institutions de Bretton-Woods. Comme le montrent les études, les solutions préconisées par le FMI et la Banque mondiale conduisent à la ruine et à la soumission des peuples et des Nations, et non pas à leur bien-être". Et d’ajouter:

"Il faut sortir du diktat du dollar, de l’euro et du Franc CFA. Ce sont des monnaies imposées aux pays africains et qui les empêchent de s’émanciper financièrement et économiquement".

Avec la nouvelle architecture mondiale qui se dessine, dont le bloc eurasiatique est l’un des acteurs majeurs, "l’Afrique devrait saisir sa chance en s’arrimant avec détermination et intelligence à cette nouvelle dynamique planétaire afin de se donner toutes les chances de son épanouissement à tout point de vue", estime-t-il.

L’Afrique, "menacée par toutes sortes de pénuries"

Pour sa part, Souhila Berrahou, économiste et chercheuse algérienne en relations internationales, explique qu’à cause du retard économique aggravé par les conditions géopolitiques actuelles, l’Afrique "est menacée, plus que jamais, par toutes sortes de pénuries, mettant en danger la sécurité alimentaire de beaucoup de pays".
Les pays africains n’ont pas d’autres choix que de diversifier leurs importations, notamment de céréales et de riz.

"Il serait plus judicieux et sûr d’avoir des liens économiques plus forts avec les pays amis et alliés (…) plus robustes économiquement, avec lesquels les Africains ont eu des relations plus stables et amicales, comme la Russie, même si la géographie n’est pas très propice", affirme-t-elle.

Les relations algéro-françaises comme exemple

Après près de 70 ans d’indépendance, les relations économiques de la France avec ses anciennes colonies d’Afrique, dont l’Algérie, demeurent limitées uniquement aux échanges commerciaux, dont la balance penche toujours au profit de l’économie française.

En effet, "il y a un regard un peu hautain de la France à l’égard de l’Algérie et de toutes ses anciennes colonies africaines", affirme Mohamed Achir, économiste algérien. "Ceci laisse entendre qu’il y a une volonté de perpétuer quelques formes de néo-colonisation et de domination", ajoute-t-il, soulignant que "ceci entrave toute tentative de recomposition des relations bilatérales sur des bases plus saines et plus justes".

"Il faut dépasser cette relation dans laquelle l’Algérie, comme toutes les autres anciennes colonies françaises d’Afrique, est considérée juste comme un débouché consommateur aux exportations françaises", ponctue-t-il.
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