Au 60ème anniversaire de l’éclatement de la crise des missiles de Cuba, le 16 octobre, la directrice de l’Institut russe des stratégies politiques et économiques (Russtrat) Elena Panina pointe son actualité sur fond de conflit ukrainien.
Six décennies après l’un des plus dangereux moments de l’histoire, "on tente de [le] repenser" sur fond de "nouvelle confrontation Russie-États-Unis" qui a de nouveau placé "le monde au seuil d’une guerre nucléaire", estime-t-elle.
"Quelqu'un dira qu'il n'y a pas de conflit direct entre nos pays, pourtant c'est une guerre par procuration […] menée par des armes américaines à nos frontières et avec notre participation", insiste Mme Panina sur sa chaîne Telegram.
La crise en question s’étant déroulée sur deux semaines, certains historiens plaisantent en estimant qu’elle a survolé la planète "au rythme de la polka", indique l’analyste politique, avant d’en retracer l’histoire.
"Nous avons le droit, les autres jamais"
Lorsqu’en 1961 les États-Unis ont déployé en Turquie des missiles de portée intermédiaire capables d’atteindre le sol russe en quelques minutes seulement, Moscou a pris cela comme une menace. À cette époque, le potentiel nucléaire de l'URSS était 20 fois inférieur à celui des États-Unis.
En réponse, Moscou a déployé à Cuba des missiles portant des ogives nucléaires. Or, ceci a été fait en pleine conformité avec la loi: Fidel Castro a demandé de défendre son pays contre toute intervention américaine.
"Suivant la logique ‘nous avons le droit, les autres jamais’, les élites américaines au pouvoir exigent une ‘punition’ pour les Russes", poursuit Mme Panina.
"Les faucons au Pentagone" ont alors exigé de John F. Kennedy d’intervenir à Cuba et de détruire le groupe soviétique et l’armée de Castro. Le sous-marin nucléaire soviétique B-59 a alors été pilonné le 27 octobre 1962 par des navires militaires américains.
"Seulement le sang-froid de nos marins a permis d’éviter une catastrophe", fait souligner la directrice de Russtrat.
Ensuite, les négociations personnelles Kennedy-Khrouchtchev ont débuté.
"Une décision d’adultes a été prise: l’URSS fait sortir les missiles de Cuba sous garantie des États-Unis de ne pas attaquer le pays, et ces derniers font sortir les armes nucléaires de la Turquie", indique Mme Panina.
"Il n’y a plus d’adultes" aux USA
Estimant que "John Kennedy exerçait le plein pouvoir et était un leader responsable", la directrice du think tank russe explique qu’aujourd’hui "il n’y a plus d’adultes à la maison", "il n’y a personne avec qui [la Russie] pourrait discuter".
Mme Panina juge que "la logique de l’actuel hégémon chancelant est toujours la même: punir, insulter, disperser". Le fait que "la politique américaine ignore ‘la fidélité envers ses engagements’ nous pousse à nous souvenir de la crise des missiles de Cuba avec nostalgie, bien que l’échange de frappes nucléaires ne soit pas passé loin", poursuit-elle.
Tandis que la dissuasion nucléaire est toujours "l’unique facteur capable de préserver le monde d’une catastrophe nucléaire", l’incapacité des dirigeants américains à mener un dialogue et leur irresponsabilité "suscitent de sérieuses préoccupations, si un compromis est possible".