Alors que le conflit en Ukraine a rapidement dégénéré, les protagonistes sont sur la corde raide. Dans ce jeu dangereux, il semblerait que chaque partie estime que l’escalade est le meilleur moyen de forcer à la capitulation de l’autre plutôt que de prioriser des négociations de bonne foi.
C’est dans ce contexte volatil qu’est intervenue la décision des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’UE et du Canada de déconnecter certaines banques russes du système bancaire SWIFT, utilisé pour sécuriser les transactions internationales.
Un acte que Dmitri Medvedev, alors Premier ministre (et ancien Président) de la Russie, qualifiait déjà en 2019 de "déclaration de guerre" si jamais il devait se produire. "Une option nucléaire", confirmait à l’époque l’envoyé spécial de Washington en Ukraine, Kurt Volker. Et pourtant, nous sommes maintenant bel et bien confrontés à cette situation.
"Appauvrir la Russie et les citoyens russes"
Sébastien Cochard, ancien diplomate et conseiller d’eurodéputés sur les affaires économiques et de relations internationales, explique au micro de Rachel Marsden que les effets néfastes d’une telle mesure sur les citoyens sont relativement faciles à atténuer, mais pas d’une manière "systémique":
"C’est très facile d’avoir des banques commerciales qui s’interposent, qui sont en dehors des sanctions, qu’elles soient russes ou étrangères. Ensuite, il y a un arrangement technique entre la banque sous sanctions et celle qui a encore accès à SWIFT."
Un reportage de Reuters sorti en mars 2019 soulignait que "les législateurs russes ont soutenu l’utilisation internationale d’un système alternatif russe au réseau mondial de messagerie financière SWIFT, conçu par Moscou pour éliminer le risque de sanctions occidentales". L’agence de presse américaine ajoutait que "la Russie a eu des entretiens avec la Chine, l’Inde, l’Iran et la Turquie sur l’utilisation conjointe" d’un tel système. Une alternative à SWIFT qui existe bel et bien en Russie.
Pourtant, si elle est la plus médiatisée, cette mesure n’est sans doute pas la plus grave prise à l’encontre de la Russie. L’expert économique et financier souligne que l’Europe, les États-Unis et le Canada ont décidé d’empêcher la Banque centrale russe d’accéder à ses 630 milliards de dollars de réserves internationales. Une décision lourde de conséquences:
"La Banque centrale russe ne peut pas avoir accès à ses actifs en devises étrangères conservés à l’étranger pour vendre des devises étrangères et soutenir le cours du rouble. Quand vous avez 40% de chute de la devise nationale, cela veut dire que les produits importés augmentent de 40%. L’inflation russe était déjà raisonnablement élevée et donc vous avez une inflation importée qui va s’accroître. Le but, c’est de manière très explicite de dégrader l’économie russe et d’appauvrir la Russie et les citoyens russes.
L’autre effet du gel des actifs de la Banque centrale russe, c’est que la Russie ne va peut-être plus avoir de devises pour honorer ses paiements extérieurs, le service de sa dette. Donc ça amène à un défaut."
D’après Sébastien Cochard, cette mesure aurait un objectif clair:
"Jusqu’à cette annonce sur la Banque centrale, le sujet n’était pas économique, c’était géostratégique, avec la Russie qui se trouvait dans un coin. Avec les sanctions sur la Banque centrale, il y a une volonté délibérée de l’Ouest d’appauvrir le citoyen russe à titre individuel. C’est tragique."