Les Vingt-Sept se sont mis d’accord hier, mardi 1ermars, pour interdire la diffusion dans l'Union européenne des médias russes RT et Sputnik. Cette mesure prise contre la Russie entrera en vigueur mercredi 2 mars, après publication de la décision au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE).
La décision fait suite à l’offensive de la Russie en Ukraine déclenchée le jeudi 24 février. Pour la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, il s’agit d'interdire "la machine médiatique du Kremlin", " les mensonges pour justifier la guerre de Poutine" et "la désinformation toxique et nuisible en Europe". Josep Borrell, haut représentant de l'UE, a abondé dans le sens de la censure: "Nous voulons casser le récit des médias contrôlés par l'État russe, qui diffusent désormais de la propagande de guerre. Poutine veut conquérir un territoire, mais aussi les esprits."
"Décision inique"
Une décision regrettable, déplore Ferdinand Ditengou Mboumi, directeur de publication de Mir Magazine, média spécialisé dans la l’actualité russo-africaine.
"Au motif de véhiculer la propagande russe et la désinformation, Sputnik vient de faire l’objet d’une censure – donc banni de l’espace européen – une décision inique, car la propagande existe bel et bien dans les deux camps", estime notre intervenant.
Le journaliste dénonce le double discours de ce qu’il appelle les "médias dominants occidentaux". Notamment sur le dossier ukrainien: "Pourquoi ces mêmes médias adoptent ils un comportement complice face aux violations systématique des droits humains et à la résurgence des mouvements néonazis en Ukraine?" s’interroge-t-il. En effet, les bombardements des forces ukrainiennes dans le Donbass depuis 2014 et la présence de factions néonazies dans les rangs ukrainiens ont été largement passés sous silence dans les médias occidentaux, estime-t-il. Et ce, au profit d’un narratif visant à diaboliser un camp et angéliser un autre.
"On parle de ce conflit depuis une semaine, mais il dure en réalité depuis huit ans et a fait plus de 13.000 morts. Ici, les gens sont très surpris que l’Europe se rende compte seulement maintenant de la situation. Pour eux, les bombardements, l’artillerie lourde, la vie dans les caves, c’est un quotidien depuis 2014", confiait à Sputnik Anne-Laure Bonnel, reporter œuvrant dans le Donbass.
Les autorités russes vont même jusqu’à parler de génocide, notamment après avoir affirmé avoir découvert des charniers.
À propos des factions néonazies, notre interlocuteur rappelle au passage qu’il s’agit là d’"un phénomène qui pourrait être une bombe à retardement au centre de l’Europe et face aux exécutions sommaires par les nationalistes ukrainiens; ou encore du silence des médias dominants face à l’autocratie du président ukrainien qui censure à tout-vent de nombreux médias ukrainiens… Et j’en passe."
Ainsi, lorsque tout est propagande, plus rien ne l’est réellement. Le journaliste gabonais ne comprend pas pourquoi la censure s’applique à Sputnik et pas à d’autres.
D’autant que, pour lui, la perception de Sputnik comme organe de propagande est une vision ethnocentrée des sociétés occidentales. "Ce média bénéficie d’une audience auprès des Africains." La perception depuis le continent africain est ainsi tout à fait différente de celle des classes dirigeantes européennes:
"C’est un média qui, de mon point de vue, propose non seulement un regard russe sur l’actualité, mais il traite des sujets souvent ignorés par les médias dominants en proposant un regard alternatif sur les évènements et les principaux problèmes du monde."
Un élément important sur un continent où s’effrite la confiance envers certaines élites occidentales. Notamment au Mali, où l’on a récemment observé le départ de la diplomatie et des forces françaises, au terme d’une opération entamée en 2013 du temps de François Hollande.