189.000 dollars, c’est l’incroyable somme qu’un acquéreur a déboursée, mercredi 23 février, pour un fragment lunaire découvert dans la partie "nord-ouest africaine du Sahara" en 2007 au Maroc, selon différents rapports médiatiques. Il s’agit du lot le plus cher, adjugé par la maison de ventes aux enchères basée à Londres, Christie’s, lors de cette édition qui s’est tenue du 9 au 23 février 2022. Les fragments de Lune, parmi les substances les plus rares sur Terre, suscitent généralement un fort engouement auprès des amateurs et spécialistes des météorites.
"NWA 5000 [pour North West Africa, ndlr] est la 5.000e roche récupérée dans la grille nord-ouest africaine du désert du Sahara à être analysée et classée. En 2007, lorsqu'elle a été découverte, il s'agissait de la plus grande météorite lunaire connue […] Il y a moins de 750 kilogrammes de météorites lunaires [sur Terre, ndlr] et une part non négligeable est contrôlée par des institutions gouvernementales."
Contactée par Sputnik, Hasnaa Chennaoui Aoudjehane, professeure et spécialiste marocaine des météorites, confirme les raisons de cet engouement pour ce fragment qui au moment de sa découverte était rare. "Il s’agit d’un fragment assez mythique trouvé à un moment où peu de météorites lunaires étaient découvertes et qui étaient surtout très peu accessibles aux collectionneurs".Elle explique néanmoins que, depuis 2007, d’autres fragments similaires ont été découverts sur le sol marocain et dans toute la région, notamment durant les cinq ou six dernières années.
"Ce sont des objets qui s’apparentent aux roches terrestres, donc les gens ne les reconnaissaient pas auparavant. Maintenant, on les reconnaît davantage, leur nombre a donc augmenté, et leur valeur marchande a diminué en conséquence, puisque le prix des météorites est aussi une question d’offre et de demande, plus elles sont rares plus elles ont une valeur marchande importante", observe l’experte qui précise par ailleurs que les chutes de météorites sont aléatoires. "Elles se passent n’importe où dans le monde, mais leur accumulation se fait dans les déserts où elles vont être préservées, car il n’y a pas d’agent qui va la détériorer rapidement. C’est le cas dans les déserts froids comme l’antarctique ou dans les déserts chauds comme le Sahara, le Sultanat d’Oman, le désert du Chili…"
Comment un morceau de la Lune parvient à se retrouver sur la surface de la Terre? Ce phénomène se déroule suite à un impact important qui se produit sur la Lune et fait éjecter des morceaux de la surface lunaire, le faisant sortir de cette gravitation. "Il va donc rester en orbite autour du Soleil et peut-être croiser la trajectoire de la Terre. C’est le même phénomène qui éjecte des météorites de la surface de Mars et qui permet à des morceaux d’astéroïdes d’être cassés et d’arriver sur Terre", explique la professeure Hasnaa Chennaoui Aoudjehane.
Concernant le lieu de localisation exact de cette roche découverte "dans la partie nord-ouest africaine du désert de Sahara", selon le site de Christie’s, l’intervenante de Sputnik explique qu’aucun moyen n’est disponible pour identifier l’emplacement précis, bien que "son origine soit du Sahara marocain", l'appellation retenu au Maroc pour le territoire du Sahara occidental.
"C’est tout le travail que nous menons depuis une vingtaine d’années, celui de documenter les origines des météorites. Si les coordonnées sont connues, on pourrait donner un nom de lieu [plus précis, à la place de l’acronyme NWA, ndlr] et dire ça vient de tel endroit. À ce moment-là, l’identité est plus visible et évidente et on sait dans quelle mesure l’intégrer au patrimoine. Là en l’occurrence, on ne sait pas exactement où elle a été ramassée."
Quels gains pour le Maroc?
Que rapportent ces ventes aux pays où ont été découverts les objets? Selon la spécialiste, dans ce cas, le Maroc qui est présenté comme le pays de la découverte, ne gagne rien de cette vente. "Pour ce type d’échantillons exportés il y a quelques années, il n’y a même pas de certificat d’export […] et c’est le cas de nombreuses autres météorites sorties du pays sans ce document", regrette-t-elle. Une situation à laquelle les autorités compétentes semblent avoir décidé de remédier, à travers une législation entrée en vigueur en février 2020. Celle-ci permet aux collectionneurs et aux marchands notamment de faire dorénavant des exports légaux, avec des certificats fournis par le pays, explique la spécialiste à Sputnik.
Ce n’est pas la première fois qu’un objet similaire est mis aux enchères à un prix aussi insolite.