Conflit en Ukraine: les Tchétchènes arrivent

Le Président de la République tchétchène Ramzan Kadyrov a déployé ses troupes en Ukraine pour appuyer Moscou. Opposés à la Russie dans la décennie 1990, ces redoutables guerriers participent maintenant aux différentes actions extérieures du Kremlin.
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Reconnaissables à leur treillis noir ainsi qu’aux insignes russes et tchétchènes sur les épaules, les Kadyrovtsy sont aujourd’hui bel et bien présents sur le théâtre ukrainien. Selon différentes sources, ils seraient à l’offensive non loin de Kiev, à Tchernobyl, à Kharkiv et sur le littoral de la mer d’Azov. Selon le Daily Mail, les forces tchétchènes auraient pour but d’assassiner des hommes politiques ukrainiens, dont l’actuel président. Une info non confirmée, qui reflète néanmoins l’angoisse que causent en Occident ces soldats rompus aux conflits du Caucase. Ils avaient soutenu Moscou en Géorgie en 2008.
La vidéo de leur départ a fait le tour des réseaux sociaux. Le vendredi 25 février, l’homme fort de la petite république russe du Caucase, Ramzan Kadyrov, rassemblait plus de 12.000 hommes à Grozny pour les galvaniser. Ses forces avaient déjà été mobilisées lors du rattachement de la Crimée à la Russie en 2014. Selon la presse locale, pas moins de 70.000 soldats pourraient aujourd’hui épauler Moscou dans son opération en Ukraine.
Le leader incontesté de la Tchétchénie est même allé plus loin en s’en prenant directement au président ukrainien Volodymyr Zelensky. "Qu’il se dépêche d’appeler notre président, le commandant en chef Vladimir Poutine, et lui demande pardon de ne pas l’avoir fait plus tôt. Il doit faire ce pas pour sauver l’Ukraine et le peuple ukrainien. Il doit demander pardon et accepter toutes les conditions que la Russie exige actuellement", a-t-il martelé.

Des néo-nazis contre les Tchétchènes

Pour l’heure, les services de communication de l’armée ukrainienne se targuent d’avoir repoussé les hommes de Grozny. Une frappe de drone aurait selon eux décimé un convoi de 56 chars près de Hostomel, juste au nord-est de Kiev. Le général tchétchène Magomed Tushaev, proche de Ramzan Kadyrov, serait parmi les victimes. Le leader de Grozny réfute cette dernière information, mais annonce la mort de plusieurs combattants. "Malheureusement, il y a déjà des pertes parmi les natifs de la République tchétchène. Deux sont morts (que Dieu pardonne leurs péchés), six autres ont été blessés à des degrés divers", a-t-il annoncé sur le réseau Telegram le 1er mars.
De surcroît, la garde nationale d'Ukraine a partagé une vidéo sur son compte Twitter montrant des combattants d'Azov en train de tremper leurs munitions dans de la graisse de porc, afin de les utiliser contre des combattants Tchétchènes musulmans. Ce groupe paramilitaire néo-nazi, arborant pour insigne la rune du loup utilisé par la division SS Das Reich, a commis de nombreux crimes contre les populations russophones de l’est de l’Ukraine depuis 2014. Depuis cette année, ce régiment fait partie intégrante de la Garde nationale ukrainienne. La semaine passée, Facebook a levé partiellement sa censure à l’encontre de ce groupe, à condition que les publications aillent contre Moscou.

Entre Grozny et Moscou, d’ennemis à fidèles alliés

La république tchétchène fait partie intégrante de la Fédération de Russie. Les liens entre Moscou et Grozny n’ont pourtant pas toujours été au beau fixe. En effet, l’armée russe a longtemps combattu les indépendantistes tchétchènes, menés entre autres par Akhmad Kadyrov, le père de l’actuel leader de Tchétchénie. Au lendemain de l’éclatement de l’URSS en 1991, Grozny refuse son rattachement à la fédération de Russie et revendique son indépendance. Au prix de deux guerres sanglantes (1994-1996 et 1999-2000), Moscou a rétabli l’ordre dans cette province en y chassant les hordes de djihadistes. Les combats ont tout de même duré jusqu’en 2009. Après s’être opposée à la Russie, la famille Kadyrov s’est ralliée à Moscou. Le père est devenu chef du gouvernement régional en 2000 puis président en 2003. Il est assassiné par les islamistes en 2004.
Ramzan Kadyrov est à la tête de la province depuis 2007. Fort de ses bonnes relations avec Vladimir Poutine, il a entrepris la modernisation de la Tchétchénie en veillant à éradiquer toute menace islamiste. Issus d’un islam soufi, les Tchétchènes sont considérés comme des apostats par les musulmans wahhabites. Une menace que Grozny a voulu contrer à tout prix. Lors de la conférence islamique internationale en août 2016, réunissant plus de 200 muftis et oulémas du monde musulman dans la capitale tchétchène, une fatwa (un avis juridique) y a condamné les pratiques du wahhabisme dont les adeptes "se sont détournés de la vérité".
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Le leader tchétchène se pose également en bon musulman contrairement aux terroristes islamistes et à ceux qui le financent. Environ 7.000 djihadistes caucasiens ont rejoint l’État islamique*. En France, le meurtrier de Samuel Paty était tchétchène.
Cette lutte contre l’islamisme est donc le fer de lance de la politique de Kadyrov. Elle s’est déclinée sur les champs de bataille, mais aussi pour des opérations de pacification. À partir de 2016, les troupes tchétchènes ont été envoyées à Alep pour des missions de police militaire. Ils ont participé de fait à des missions de désescalade au sein des contingents d’autres ressortissants du Caucase du Nord (Ingouches, Kabardes, Daghestanais). De surcroît, Moscou a missionné Grozny pour reconstruire certaines mosquées dans les villes reprises, à l’instar de l’édifice des Omeyyades à Alep, détruit par l’État islamique*. Par l’intermédiaire de ces opérations, Ramzan Kadyrov a assis un peu plus sa popularité dans le monde musulman. L’homme fort de Tchétchénie avait d’ailleurs distribué en 2018, lors des fêtes du ramadan, 500.000 colis humanitaires et 10.000 animaux pour le sacrifice à 50 000 Syriens.
De la Syrie à l’Ukraine, en passant par la Géorgie, Moscou peut compter sur ses Tchétchènes.

*Organisation terroriste interdite en Russie
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