Crise ukrainienne 2021

Pour Facebook, il y a de "bons" néonazis et de "mauvaises" agences de presse

Facebook a permis à ses utilisateurs de faire l’éloge du bataillon néonazi Azov "lorsqu’il s’agit de louer leur rôle dans la défense de l’Ukraine", à l’heure où certains comptes –pourtant professionnels– sont censurés. Analyse.
Sputnik
Y a-t-il de bons et de mauvais (néo) nazis? À en croire la firme de Mark Zuckerberg, s’opposer à Moscou dans le conflit qui l’oppose à Kiev suffit à blanchir les néonazis ukrainiens de tout opprobre.
De fait, selon la politique officielle de la compagnie consultée par The Intercept, Facebook "autorisera les éloges du bataillon Azov lorsqu’il s’agit de louer explicitement et exclusivement son rôle dans la défense de l’Ukraine OU son rôle en tant que membre de la Garde nationale ukrainienne." Une information confirmée par Erica Sackin, porte-parole de la compagnie, qui a toutefois refusé de commenter la décision à The Intercept.
Un changement de pied troublant. Il était en effet jusque-là interdit de discuter librement du Bataillon Azov, une unité militaire néonazie ukrainienne, en raison de la politique de l’entreprise relative aux personnes et organisations dangereuses.
L’accès à Facebook partiellement restreint dès le 25 février en Russie
Un revirement qui est intervenu "cette semaine", précise le média, dans la foulée de l’opération russe en cours en Ukraine et de précédentes escalades militaires. Le bataillon Azov, bras armé du mouvement ukrainien nationaliste blanc du même nom, avait été monté comme une milice de volontaires antirusses avant d’intégrer officiellement la Garde nationale ukrainienne en 2014. Cette dernière a été créée en réaction au rattachement de la Crimée à la Russie et placée sous la tutelle du ministère ukrainien de l’Intérieur.
Que le bataillon Azov soit tristement réputé pour ses exactions n’a pas eu l’air de déranger Kiev dans cette fusion.

Azov: exactions et logo SS

"Aujourd’hui, l’unité Azov est une unité spéciale distincte de l’unité militaire Azov 3057 de la Garde nationale ukrainienne", peut-on lire sur le site officiel d’Azov. Le groupe néonazi est ainsi directement subventionné et armé par le ministère de l’Intérieur ukrainien, après avoir été financé par le puissant oligarque Ihor Kolomoisky.
À ceux qui douteraient de l’affiliation idéologique d’Azov, rappelons que le bataillon arbore la "Wolfsangel", le "crochet du loup", inversé aux couleurs bleues et jaunes de l’Ukraine, qui fut le logo du parti ukrainien fasciste Svoboda et qui n’est autre qu’un symbole utilisé par la division Waffen SS Das Reich pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2010, Andriy Biletsky, premier commandant du bataillon et ancien parlementaire ukrainien, avait déclaré que l’objectif national de l’Ukraine était de "mener les races blanches du monde dans une croisade finale […] contre les Untermenschen [sous-hommes, ndlr] dirigés par des Sémites."
Guère étonnant donc qu’avant la guerre en Ukraine, le groupe fît même partie de la liste noire des entités bannies par Facebook. Au sein de cette liste, il côtoyait un casting séduisant, aux côtés de l’État islamique* et du Ku Klux Klan. Ambiance.

"Les volontaires du mouvement Azov sont de véritables héros"

Parmi les exemples de commentaires que Facebook juge désormais acceptables, citons "les volontaires du mouvement Azov sont de véritables héros, ils apportent un soutien indispensable à notre Garde nationale." A contrario, des phrases telles que "Goebbels, le Führer et Azov, tous sont de grands modèles de sacrifices et d’héroïsme nationaux" et "Bravo à Azov pour avoir protégé l’Ukraine et son héritage nationaliste blanc" ont été caviardées.
En parallèle, ce 25 février, Facebook a censuré le contenu de quatre médias russes –Zvezda, RIA Novosti, Lenta.ruet Gazeta.ru– au cours des dernières 24 heures, relate le régulateur russe Roskomnadzor. Facebook a imposé des restrictions à la page de RIA Novosti pendant 90 jours, prétendument pour "diffusion de fausses informations."
"Nous considérons qu’il s’agit d’une nouvelle violation flagrante de la liberté d’expression par le réseau social américain", a réagi la chaîne.
En rétorsion, la Russie a aussitôt décidé de bloquer Facebook durant la même durée de 90 jours. Comme ses consœurs, l’agence de presse RIA fonctionne grâce à ses correspondants qui font remonter des informations du terrain.
Une censure des géants de la Tech qui semble d’autant plus incompréhensible que d’autres "fake news" concernant la guerre en Ukraine sont tolérées. Ainsi l’État ukrainien a-t-il partagé une vidéo d’un MiG-29 ukrainien abattant un Su-35 russe. Une vidéo en réalité tirée… d’un jeu vidéo.
Un deux poids, deux mesures qui met en cause une fois de plus l’impartialité des géants de la Tech. Cette décision de ne pas censurer l’ensemble du contenu d’un groupe néonazi ukrainien "offre une preuve supplémentaire que Facebook détermine quel discours est autorisé en fonction des jugements de politique étrangère des États-Unis", fait remarquer The Intercept.
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