Création d’une zone militaire à l’est: à quoi se prépare le Maroc?

Le Maroc vient de procéder à la création d’une zone militaire le long de sa frontière avec l’Algérie. Une première pour le pays qui était jusque-là doté de zones militaires Nord et Sud uniquement. Des médias algériens dénoncent une "stratégie de la tension", alors qu'un expert marocain défend un "système de défense et de veille".
Sputnik
L’information vient de paraître dans la première édition de l’année 2022 de la revue officielle des Forces armées royales (FAR) et s’est répandue comme une traînée de poudre dans la presse nationale et étrangère. Sur ordre du roi Mohammed VI, également chef suprême et chef d’état-major de l’armée, le général du corps d’armée Belkhir El Farouk a procédé à la nomination du général de division Mohamed Miqdad, désormais commandant de la zone militaire Est. Il s’agit d’une première pour le Maroc qui disposait jusque-là de seulement deux zones militaires, à savoir le commandement Nord et le commandement Sud, basé à Agadir.
"La création de cette entité a pour objectif d’assurer la cohérence du commandement, du contrôle et du soutien des composantes terrestres, aériennes et maritimes des FAR dans un cadre interarmes et interarmées afin d’avoir plus de souplesse et de liberté d’action nécessaires à l’accomplissement des différentes missions", indique la revue qui évoque également la "riche expérience" du général de division dans la conduite des opérations militaires, lui valant ainsi la confiance du roi Mohammed VI.
Selon un site d’information marocain réputé proche du Palais, ce nouveau commandement qui devrait être basé à Errachidia, dans la région du Drâa-Tafilalet, sera également chargé de "lutter contre la criminalité transfrontalière comme la contrebande, l’immigration illégale, les trafics interdits et veillera au renforcement des capacités de défense de la nation". S’exprimant d’abord au sujet du choix de la ville où sera basé ce commandement, l’universitaire et politologue marocain contacté par Sputnik, Mustapha Sehimi, estime qu’il s’agit d’un choix judicieux compte tenu du large éventail d’infrastructures dont dispose la ville, dont l’aéroport multifonctionnel, civil et militaire. Par ailleurs, la création de cette zone militaire répond selon lui à un besoin de "régionalisation, une territorialisation de la stratégie de défense nationale […] Cela confère également une certaine souplesse et autonomie stratégique et opérationnelle".
"L’organisation territoriale de l’armée marocaine, à l’instar de toutes les armées du monde, fait régulièrement objet de réflexion et de ré-articulation, notamment en termes de dispositifs militaires, d’équipements, et d’action visant la sécurité et la défense de l’intégrité territoriale", ajoute-t-il.
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Une nouvelle escalade Maroc-Algérie?

Jusqu’à présent, une importante partie des efforts militaires avaient été déployés au Sud, d’où provenait ce qui constituait pour le Maroc la principale menace militaire, à savoir les forces indépendantistes du Polisario qui revendiquent le "Sahara marocain", selon l’appellation officielle du Maroc. L’universitaire rappelle à ce titre la crise de Guergarate en novembre 2020, qui avait mené à la rupture du cessez-le-feu de 1991. Mais la création de cette nouvelle entité à l’est du pays laisse-t-elle présager d’un risque de conflit armé avec l’Algérie? Selon l’expert marocain, il s’agit essentiellement "d’une stratégie de défense, de veille, et de vigilance".
"Il y a certes une diplomatie de main tendue qui a été formulée par le roi envers l’Algérie, mais elle n’exclut pas la détermination et la capacité de défense, face aux discours ayant mené à des manœuvres algériennes, notamment dans le nord-ouest algérien ou encore dans le sud, dans la région de Tindouf. Par conséquent, il faut bien que le Maroc apporte une réponse appropriée pour se parer contre une éventuelle menace", observe l’expert marocain.
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De l’autre côté de la frontière, la décision marocaine est perçue comme s’inscrivant dans "la stratégie de tension" poursuivie par le Maroc qui multiplie les "provocations" selon des médias locaux. Le gouvernement algérien n’avait pas réagi, jusqu’à mercredi 23 février, à cette information, la dernière déclaration officielle au sujet des tensions Maroc-Algérie remonte au 16 février, lorsque le Président algérien Abdelmadjid Tebboune a déclaré que les choses "se sont aggravées" depuis le début de la crise.
Les relations entre les deux frères ennemis ont atteint un point de non-retour, depuis la décision d’Alger en été 2021 de rompre officiellement ses relations diplomatiques avec Rabat, qu’il a accusé "d’actions hostiles" à son égard. Depuis, les deux pays se livrent à une véritable guerre médiatique et à des allégations de part et d’autres, le Maroc reprochant à Alger son implication dans le conflit du Sahara occidental, et son soutien au mouvement indépendantiste du Polisario. Ce dernier a d’ailleurs rapporté il y a quelques jours avoir tué 12 militaires marocains, une information à laquelle la diplomatie marocaine n’a, une fois de plus, pas réagi.
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