Le Maroc subit de plein fouet les conséquences du changement climatique. Une vague de sécheresse, qui s’étend jusqu’en Espagne, suscite une importante inquiétude dans le royaume où les ressources naturelles en eau sont parmi les plus faibles au monde. L’absence de pluie est désormais au cœur des préoccupations des Marocains, qui dépendent fortement des périodes de précipitation. En cette période, la moyenne nationale se situe à 75 mm. Cette année est ainsi déficitaire de 64%, selon l'agence de presse marocaine.
Pour amortir les effets de cette crise, le roi Mohammed VI a ordonné au gouvernement, mercredi 16 février, la mise en place de mesures urgentes pour soutenir les zones rurales et le secteur agricole.
La mobilisation d’une enveloppe financière totale estimée à 10 milliards de dirhams (1 milliard d’euros) concernera notamment la protection des ressources animales et végétales, la gestion de la rareté de l’eau et une assurance agricole. Et, afin d’alléger les charges financières pesant sur les agriculteurs et les autres professionnels du secteur, le plan prévoit "le financement des opérations d’approvisionnement du marché national en blé et en aliments du bétail, et des investissements innovants dans le domaine de l’irrigation", rapporte un communiqué du Cabinet royal, relayé par l’agence de presse marocaine.
L’état alarmant du niveau des barrages
Ces mesures devraient permettre, d’une part, d’éloigner le spectre de la pénurie d’eau qui plane de plus en plus au-dessus de certaines zones rurales, malgré les efforts déployés dans le cadre de la stratégie des barrages. Les chiffres dévoilés récemment par le ministère de l’Eau sont alarmants. Le taux de remplissage moyen des barrages nationaux, pour le mois de février 2022, se situe à 34%, contre 45% l’an dernier à la même période.
Par ailleurs, Baali Sghir, président de l’association Eau et énergie pour tous, confie à Sputnik que la situation hydrique est "inquiétante" pour trois zones de bassins hydrauliques dont relève la ville de Marrakech, et qui sont aux alentours de 10% de remplissage. "Vers les mois de juin, juillet et août, la situation sera préoccupante en matière d’approvisionnement en eau potable si la situation reste telle qu’elle est". Les nappes phréatiques permettant l’irrigation sont elles aussi à un seuil critique, faute de régénération par les pluies. Pour répondre à cette problématique, des mesures ont été prévues par les autorités du périmètre concerné, détaille l’interlocuteur de Sputnik.
"Les autorités ont procédé à l’interdiction totale de l’irrigation et la réservation de ce qu’il reste au niveau des barrages pour l’approvisionnement en eau potable des populations. Des actions spécifiques comme le transfert au niveau des bassins et le dégagement de nouvelles ressources sont également déployées. Enfin, des stations de dessalement sont en cours de réalisation dans plusieurs villes du pays, pour pallier ces épisodes sur le long terme".
Le secteur agricole en état d’alerte
Le secteur agricole constitue le deuxième volet de ces mesures d’urgence qui devront être mises en œuvre par le gouvernement. Pilier de l’économie marocaine, l’agriculture souffre particulièrement de cette crise, ce qui menace même les prévisions de croissance pour cette année. "Cela va porter un sacré coup aux producteurs agricoles dans un contexte déjà fragilisé par la pandémie", constate le spécialiste de l’eau.
Avec une part d’environ 18% du PIB, c’est le deuxième pourvoyeur d’emplois au Maroc, avec plus de 40%, derrière le secteur des services. En 2021, des chiffres exceptionnels avaient été atteints grâce à une météo favorable qui avait permis une récolte record, notamment dans la filière céréalière. La saison agricole avait ainsi contribué, aux côtés du secteur de l’industrie notamment, à un niveau de croissance qui atteindrait les 7%, selon le Haut-Commissariat au Plan.
Mais le scénario d’une saison similaire pour 2022 semble définitivement enterré, estiment les observateurs marocains. L’économiste et enseignant-chercheur Nabil Adel, explique à Sputnik à quel point les variations du secteur et de l’économie sont liées à la dimension pluviométrique.
"La corrélation entre le niveau de précipitations et la croissance économique globale est aux alentours de 70%, ce qui est un coefficient élevé, et se traduit malheureusement par un lourd impact (…) Même s’il faut attendre la moitié du mois d’avril pour savoir si la campagne agricole peut être sauvée ou non, on peut d’ores et déjà se préparer à une année difficile", détaille-t-il.
Il ajoute que la croissance pour cette année sera certainement en dessous des 6% fixés par le Nouveau Modèle de Développement. "Si elle est aux alentours de 2 à 2,5% on sera très contents."
Faudrait-il alors craindre le pire en pleine période de relance économique? "Pas tout à fait", relativise Baali Sghir. "Je ne pense pas qu’il y aura rupture totale, il y aura sûrement des rationnements. Ça dépendra aussi de l’optimisation de l’existant et de l’efficacité de la mise en œuvre des décisions des autorités, et des mesures du gouvernement", conclut-il.