Crise ukrainienne 2021

Invasion de l’Ukraine et Wagner au Sahel: "cachez-moi ces mensonges que je ne saurais voir!"

"La stratégie qui sous-tend la guerre médiatique menée contre la Russie […] et dernièrement l’Algérie, s’appuie sur le mensonge par omission et le bourrage de crâne", affirme auprès de Sputnik un ex-colonel des services algériens, évoquant la question du supposé groupe Wagner et les accusations contre la Russie au sujet de l’Ukraine.
Sputnik
Dans un article intitulé "Les mercenaires du groupe Wagner, ce faux-nez de la Russie à la manœuvre en Algérie et au Mali", le journal français L’Obs affirme le 9 février qu’"un axe Moscou-Alger-Bamako s’est formé pour bouter la France hors de son pré carré africain. À la manœuvre, la société privée de mercenaires russes Wagner, faux-nez du Kremlin".
La presse occidentale, notamment française, regorge d’articles citant cette organisation Wagner, qui demeure toujours fantomatique et supposément liée directement au Kremlin, sans présenter la moindre preuve matérielle tangible et irréfutable. Cette compagne visant à dénigrer le rôle de la Russie et de l’Algérie au Sahel, région où l’échec militaire de la France est retentissant, se fait de la même façon que celle qui entoure la crise en Ukraine, accusant depuis au moins deux mois le Président Vladimir Poutine de vouloir envahir ce pays. Bien qu’à nos jours, non seulement aucun soldat russe n’a franchi la frontière russo-ukrainienne mais les autorités russes ont entamé le retrait des troupes ayant terminé leurs exercices, mettant à mal toutes les accusations, cette propagande ne fléchit pas et continue de déformer la réalité auprès des lecteurs occidentaux.
Comment fonctionne cette propagande? Quelles sont les méthodes de manipulation de l’information qu’elle utilise? Pourquoi cette campagne arrive toujours à saisir les esprits des lecteurs? Quel est le rôle de l’Otan dans cette guerre de l’information et quels sont ses objectifs militaires et géostratégiques? Les contre-mesures russes arrivent-elles à déconstruire cette propagande?
Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité l’ex-colonel des services de renseignement algériens, Abdelhamid Larbi Chérif, expert en sécurité internationale et politiques de défense. Pour lui, "la guerre du Vietnam a été le tournant depuis lequel des pans entiers de la presse occidentale, notamment américaine, anglaise et française n’ont cessé de se transformer en instruments de propagande et de promotion active des agressions militaires à l’étranger, en particulier celles menées sous le parapluie de l’Otan depuis la chute de l’Union soviétique. La première puis la seconde guerre d’Irak, menées pour le contrôle des champs pétrolifères du pays, les guerres des Balkans et de l’ex-Yougoslavie, d’Afghanistan, de Libye, de Syrie et du Yémen sont des exemples patents du rôle des médias occidentaux qui ne cessent de véhiculer massivement des mensonges éhontés, qui ne trompent plus grand monde actuellement".

"Les deux béquilles de la désinformation"

"La stratégie qui sous-tend la guerre médiatique menée contre la Russie, la Chine, l’Iran et dernièrement l’Algérie, via les médias contrôlés par l’Otan, s’appuie sur le mensonge par omission et le bourrage de crâne, qui sont les deux béquilles de la désinformation répandue massivement", affirme l’ex-officier supérieur.
Et de suggérer de prendre "comme exemple patent, la campagne menée actuellement contre la Russie, accusée, notamment par les États-Unis et le Royaume-Uni, de vouloir envahir l’Ukraine, après avoir stationné durant plusieurs mois près de 100.000 soldats avec leurs armements à l’intérieur de son territoire, près de la frontière avec ce pays. Rappelons, avant tout, que ce sont les mêmes qui ont menti sur les guerres en Irak, en Libye, en ex-Yougoslavie et enfin en Syrie, causant la mort de millions de victimes civiles, qui accusent aujourd’hui la Russie et comme d’habitude sans la moindre preuve matérielle. Or, il faut noter qu’en décembre 2021, les autorités russes ont transmis à leurs homologues américaines et à l’Otan deux projets de traité, exigeant des garanties écrites en matière de sécurité en Europe, notamment quant au déploiement de l’Alliance atlantique à l’est, près des frontières sud et ouest de la Russie".
Le Président Poutine, poursuit-il, "a répété plusieurs fois à qui veut entendre, notamment lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron à Moscou, que son pays était ouvert à la négociation, mais uniquement sur les préoccupations existentielles en lien avec la sécurité nationale de la Russie, formulées sous forme de lignes rouges. Lesquelles sont: pas d’adhésion de l’Ukraine ou de la Géorgie à l’Otan et pas de présence de cette dernière, y compris limitée, dans ces deux pays, pas de missiles d’attaque à la frontière de la Russie, le recul de l’Otan aux lignes de 1997 et l’application des accords de Minsk pour la résolution de la crise ukrainienne. Mais comme il fallait s’y attendre, les réponses des Américains et de l’Otan n’ont pas abordé la moindre préoccupation des Russes. Au contraire, la propagande s’est remise en marche pour accuser le Kremlin de vouloir rétablir l’ancienne zone d’influence soviétique autour de la Russie, en commençant par l’invasion de l’Ukraine".

Comment fonctionne la propagande médiatique?

Ainsi, l’expert invite à bien examiner "les propositions russes et les réponses américaine et otanienne, pour bien voir de quelle façon la propagande médiatique fonctionne. Dans ce sens, rappelons que l’Otan compte dans ses rangs l’Albanie, la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, soit 14 pays d’Europe de l’Est et du Sud, anciennement sous la coupe de l’Union soviétique et membres du Pacte de Varsovie (1955-1991). Ajoutons que l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Moldavie, la Serbie et l’Ukraine, sept pays ayant également fait partie de la sphère soviétique [...], ont un statut de pays associés de l’Otan, ce qui leur permet de participer au travail et aux délibérations de l’Assemblée de l’Alliance atlantique".
Et de s’interroger: "est-ce que les autorités russes ont exiger dans leurs propositions de traité de sécurité dans le continent européen la sortie de l’Otan des pays de l’est et du sud de l’Europe, ayant fait partie de la sphère soviétique et du pacte de Varsovie? La réponse est non! Est-ce que la Russie a demandé que les sept autres États d’Europe de l’est et du sud soient déboutés de leur statut de pays associés de l’Otan? La réponse est également non! Alors comment peut-on accuser la Russie de vouloir rétablir l’ancienne zone d’influence soviétique, alors qu’elle exige uniquement la non adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie et la non présence de troupes ou de missiles d’attaque de l’Otan dans ces deux pays?".
Pour M.Larbi Chérif, pour comprendre l’origine des préoccupations russes, "il y a lieu de faire une petite analyse militaire. Les tensions entre la Russie et les États-Unis sont nourries par des désaccords sur des dossiers très sensibles: le bouclier antimissile américain en Turquie, en Pologne et en Roumanie, dont le rayon de balayage des radars couvre le territoire russe de la frontière avec l’Europe jusqu’à l’Oural. Ceci permet de neutraliser près de 40% de la puissance de frappe nucléaire terrestre russe, la composante la plus importante de la défense stratégique du pays. À ceci s’ajoute les désaccords sur les traités relatifs aux armes conventionnelles de destruction massive. Si ces armes, capables d’atteindre Moscou en quelques minutes, venaient à être déployées en Ukraine ou en Géorgie, il ne faut pas sortir d’une grande école militaire pour comprendre qu’elles constitueraient un danger mortel pour la Russie. L’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Otan donnera une étendue énorme à la frontière de cette dernière avec la Russie, ce qui obligera l’armée russe, en cas de conflit, à disperser ses forces provoquant son affaiblissement. Donc de ce point de vue, les inquiétudes de Moscou sont tout à fait légitimes. L'équivalent de cette situation serait que la Russe déploierait des forces armées et des missiles d'attaque au nord du Mexique ou au sud du Canada, à la frontière avec les États-Unis. Je vous laisse imaginer quelle serait la réaction de Washington et de l'Otan".

Deux autres exemples récents

Enfin, l’interlocuteur de Sputnik estime que "l’emprise exercée par les médias, qui servent les objectifs de l’Otan, sur des pans entiers de populations vivant en Occident, ressemble à bien des égards à des croyances religieuses dans des cultes promus par des sectes".
En effet, selon lui, "comment expliquer le fait que la décision prise le 11 février par Biden de mettre la main sur les sept milliards de dollars d’actifs de la banque centrale afghane bloqués aux États-Unis, dont il consacre une partie à l’indemnisation des familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001, alors que l’autre moitié sera destinée à l’aide humanitaire pour l’Afghanistan, n’a pas fait scandale en Occident? Où sont passés ces médias qui se gargarisent de discours sur les droits de l’homme, alors que le peuple afghan fait face à une grave crise humanitaire? Qu’ont-ils fait quand le journaliste de l'Associated Press, Matt Lee, avait embarrassé, lors d’un point presse, le porte-parole du département d'État, Ned Price, en lui demandant de fournir les preuves sur la soi-disant vidéo fabriquée par les services de renseignement russes, simulant un grave incident dans le Donbass, où il y aurait plusieurs victimes, pour justifier une agression militaire contre l'Ukraine? Rien du tout! Tout ça a été passé sous silence!Imaginez maintenant si s'était Vladimir Poutine qui avait pris la décision de Biden et Maria Zakharova qui avait menti devant la presse à la place de Ned Price, quel aurait été le comportement de la presse occidentale? Ils osent de plus insulter l’intelligence des gens en qualifiant les pays qui leur résistent d’+États voyous+ et d’+axe du mal+".

"Pour ce qui est du fantomatique groupe Wagner qui serait en action au Mali, au Mozambique et en République centrafricaine, nous retrouvons la même propagande formée d’un tissu de mensonges et de calomnies, sans qu’aucune preuve ne soit formulée. Ainsi, nous ne pouvons que dire: cachez-moi ces mensonges que je ne saurais voir!", résume Abdelhamid Larbi Chérif.

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