«Bien souvent, quand certains universitaires cherchent à réfuter les perceptions communes sur l’immigration, ils s’égarent et deviennent obsédés par l’idée qu’il faut leur donner tort. Or, le problème n’est pas de leur donner tort, mais de chercher ce qu’il en est!», assène Michèle Tribalat devant les caméras de Sputnik.
En l’espace de quelques années, le thème du «Grand remplacement» s’est taillé une place de choix dans les débats politiques sur l’immigration. Au plus grand dam de certains chercheurs tels Hervé Le Bras (démographe à l'Ined, l’Institut national d'études démographiques) ou François Héran (ancien directeur de l'Ined), épinglés par Michèle Tribalat dans son livre Immigration, idéologie et souci de la vérité (Éd. L’Artilleur) pour leur utilisation hasardeuse du solde migratoire. «Le solde migratoire, c’est les entrées moins les départs de France. Ce n’est qu’un résidu, qui peut varier en fonction de la qualité de collecte. Celui-ci ne dit pas grand-chose de l’immigration étrangère et du flux lui-même», argue la démographe, elle-même chercheuse à l’Ined pendant près de quarante ans.
Justement, que disent les chiffres à propos du supposé «Grand remplacement» à l’œuvre en France? «Dans le Loir-et-Cher, la proportion de moins de dix-huit ans d’origine étrangère est de 4,2% à la fin des années 60. En 2017, c’est 26,3%. À Blois [chef-lieu du département, ndlr], cela monte jusqu’à 47,6%. C’est l’équivalent du XXe arrondissement de Paris», illustre Michèle Tribalat. Avant de relativiser toutefois:
«Le “Grand remplacement” étant une figure littéraire, c’est très difficile de dire ce qu’il en est. La proportion de personnes d’origine étrangère en France en 2020 est de 21,5% selon l’INSEE. Le basculement, avec une population autochtone en chute libre, n’est donc pas imminent. Mais le succès de l’idée de Renaud Camus [l’écrivain à l’origine du syntagme, ndlr] est une réponse à l’anxiété des gens qui voient ces transformations démographiques s’opérer dans les grands centres urbains et même dans les campagnes et les petites villes du territoire. Ces gens-là voient bien que les choses ont changé», avance l’universitaire.