"C’est une situation extrêmement compliquée et pénible qui s’ouvre pour le Mali. Le gel de ses avoirs financiers au niveau de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) signifie que le pays ne peut plus utiliser ses réserves de change pour payer les importations autres que les biens de première nécessité et les autres produits que la CEDEAO va énumérer. Clairement, c’est une stratégie d’asphyxie financière du Mali qui est ainsi mise en branle", explique l’économiste sénégalais Mady Cissé, chercheur au Centre d’études pour le financement du développement local (CEFDEL) à Dakar interrogé par Sputnik.
"Quand la CEDEAO et l’UEMOA mettent à contribution la BOAD et la BIDC, c’est pour que ces deux institutions financières bloquent les décaissements liés aux appuis budgétaires auxquels le Mali pouvait profiter dans le cadre de prêts projets ou trésorerie au profit de l’État. Concrètement, c’est donc le besoin de financement brut de l’État malien qui sera impacté. Cette mesure me semble d’autant plus significative que les pays de l’UEMOA comme le Mali sont bénéficiaires de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) à travers la BOAD", analyse Mady Cissé.
"Le gouvernement du Mali condamne énergiquement ces sanctions illégales et illégitimes prises par l’UEMOA et la CEDEAO, organisations pourtant fondées sur la solidarité et l‘idéal panafricain, curieusement au moment où les Forces armées maliennes engrangent des résultats spectaculaires dans la lutte contre le terrorisme, ce qui n’était pas arrivé depuis plus d’une décennie", a souligné le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.
Le Mali, partenaire numéro 1 du Sénégal
"Le Mali est le principal partenaire commercial du Sénégal dans l’espace CEDEAO. Plus de 24% des exportations sénégalaises sont destinées à ce pays. Le port de Dakar assure 80% du trafic des hydrocarbures et 65% du trafic de toutes les autres marchandises qui prennent le chemin de Bamako. De fait, les sanctions de la CEDEAO auront des conséquences directes sur l’activité économique du Sénégal puisque la demande extérieure du Mali qui est une source de croissance pour le Sénégal sera annihilée", indique l’économiste Mady Cissé.
"Les sanctions infligées au Mali sont aussi des sanctions contre le Sénégal. Malgré son devoir de solidarité avec les pays de la CEDEAO, le Sénégal devrait faire prévaloir ses intérêts. La santé économique d’un pays se mesure à l’aune des exportations et des emplois créés. Sur ces deux leviers, le Sénégal est faible avec une balance commerciale déficitaire d’environ 2.200 milliards de francs CFA (environ 3,354 milliards d’euros) dont 30% sont des exportations vers le Mali", s’inquiète l’agroéconomiste et consultant Mbaye Sylla Khouma sollicité par Sputnik.
"C’est une stratégie d’étouffement du Mali qui est mis en œuvre en fait. Mais connaissant ce pays et ses habitants, ils préféreront mourir que de tendre la main. Ces sanctions sont une épreuve inutile dont le Ghana ne souffrira pas, le Liberia, la Sierra Leone, le Nigeria, le Togo et le Bénin non plus. Mais le Sénégal, lui, en paiera le prix fort. C’est dommage que cela arrive précisément au Sénégal et au Mali, deux entités qui formaient il y a quelques décennies un même pays avec un même drapeau et qui, aujourd’hui encore, partage la même devise ‘Un peuple, un but, une foi’", se désole M.Khouma.