L’annonce de l’imposition d’une
nouvelle taxe de 0,2% aux opérations de transfert d’argent (principalement le mobile money, mais aussi les transactions électroniques) et contenue dans la Loi de finances de 2022 avait déjà suscité des remous mi-décembre. De nombreuses voix s’étaient élevées pour dénoncer ce qui n’était encore qu’un projet de loi, considéré par beaucoup comme "injuste" dans un contexte de cherté de la vie. Elles espéraient ainsi faire reculer les autorités. En vain! La nouvelle taxe est bien entrée en vigueur le 1er janvier. Un cadeau (indésirable) de Nouvel An, que les consommateurs ont reçu via leur téléphone mobile: des messages des différents opérateurs annonçant, l’entrée en vigueur de la mesure.
Depuis lors, la pilule a du mal à passer et des réactions fusent de toutes parts. Soulignant leur non association à la prise d’une telle décision, des leaders associatifs comme Delor Magellan Kamseu Kamgaing, président exécutif de la Ligue camerounaise des consommateurs (LCC), dénoncent "le taux exorbitant de ladite taxe".
De nombreux internautes s’interrogent encore sur le bien-fondé de cette mesure et de nombreux messages de colère fusent sur la toile. À grand renfort de hashtags, les consommateurs exigent sa suppression pure et simple.
Dans un contexte où les Camerounais se plaignent de plus en plus de la cherté de la vie et de l’inflation des produits de première nécessité, nombre de consommateurs appellent au boycott des opérations de transfert électronique d’argent.
En effet, la base d’imposition de la taxe sur les transferts d’argent, contenue dans la Loi de finances 2022, est constituée par le montant des sommes transférées ou retirées: "
La taxe est liquidée de 0,2% du montant transféré ou retiré", indique le texte. Ainsi, sont concernées par cette taxe "
les opérations de transfert d’argent réalisées par tout moyen ou support technique laissant trace, notamment par voie électronique, téléphonie mobile, télégraphique ou par voie de télex ou télécopie, à l’exception des virements bancaires et des transferts pour le règlement des impôts, droits et taxes".
Sont aussi taxés "les retraits en numéraire consécutifs à un transfert d’argent effectué auprès des établissements financiers ou des entreprises de téléphonie mobile". Une mesure qui, souligne Dalvarice Ngoudjou, économiste, pourrait contribuer à "exclure beaucoup de personnes du système financier".
Dans le pays, c’est devenu un rituel: chaque fin d’année est désormais rythmée par des discordes au sujet de nouvelles impositions. En 2021 par exemple, une taxe sur les tablettes et téléphones importés, à payer directement par l’utilisateur, avait été instituée avant d’être retirée quelque temps après par le Président Paul Biya suite à un tollé général dans les réseaux sociaux. Fin 2021, en plus de cette taxe sur les transferts d’argent, un autre régime d’imposition, qui touche les organismes à but non lucratif, lui aussi en vigueur dès cette année, a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Si certains observateurs soulignent la nécessité pour le gouvernement de créer de nouvelles niches fiscales pour faire face aux défis du développement, Dalvarice Ngoudjou se veut sceptique face à la démarche: "Aucune nation ne se développe avec la taxe".
Alors que l’affaire continue d’enflammer les débats et provoquer de nombreux éclats de voix dans le pays, Delor Magellan Kamseu Kamgaing de la Ligue camerounaise des consommateurs, suggère au Président de la République "de prendre une ordonnance pour réduire cette taxe de 0,1% et exhorte les opérateurs concernés à supprimer les frais de réception des transferts, les envois étant déjà facturés".