Reportée d'une année pour des raisons sanitaires, la Coupe d'Afrique des nations (CAN 2021), qui doit se tenir au Cameroun du 9 janvier jusqu'au 6 février prochain, aura lieu, de l’avis de plusieurs analystes comme le docteur Aristide Mono, dans un climat assez tendu dû aux
crises protéiformes que traverse le pays.
Si la compétition est très attendue dans ce pays de football, de nombreuses crises internes menacent de perturber son déroulement. Sur le terrain des batailles politiques, l'opposant Maurice Kamto et ses partisans entendent profiter de l’événement pour faire entendre leur voix dans le combat qui les oppose au pouvoir de Paul Biya, depuis la présidentielle d’octobre 2018.
En effet, enfermés le 22 septembre 2020 pour avoir participé à une marche dite pacifique contre le régime, près d'une cinquantaine de militants et cadres de son parti ont été condamnés, le 27 décembre, à des peines allant de un à sept ans de prison ferme. Un verdict qui a suscité de nombreuses réactions dans l’opinion. D’ailleurs des opposants comme Jean Michel Nintcheu, député du Front social démocrate (SDF), qui dénonce ce qu’il qualifie de "cruauté judiciaire", appelle à une manifestation à Douala, le 8 janvier à la veille de la cérémonie d’ouverture de la CAN, pour mettre à nu les "nombreuses injustices" et appeler entre autres à la libération des prisonniers politiques.
Déjà fin décembre, Maurice Kamto annonçait à Yaoundé le lancement d’une campagne pour la libération de ses militants et sympathisants. Dans un ultimatum au gouvernement, l’opposant projetait de saisir l’occasion de la CAN 2021 pour faire entendre leurs revendications.
Un message qui visiblement n’a pas fait frémir Yaoundé au vu des condamnations qui s’en sont suivies. D’ailleurs, dans une déclaration début décembre, le ministre de l’Administration territoriale avait prévenu que le pouvoir ne tolérerait aucun trouble à l’ordre public ni manifestation durant la compétition. Or, souligne Aristide Mono, "cette CAN qui est un événement international constitue une bonne opportunité pour le MRC de publiciser, médiatiser les causes qu’il défend".
Sur un tout autre front, les séparatistes anglophones engagés dans un violent conflit contre le gouvernement de Yaoundé, depuis 2017, entendent eux également perturber le déroulement de l’événement. Dans une note d’information publiée fin décembre,
Human Right Watch (HRW) s’inquiétait déjà que
"plusieurs dirigeants et militants séparatistes ont publiquement menacé de perturber la CAN si les autorités ne retirent pas les forces gouvernementales actuellement présentes dans les régions" du Nord-Ouest et du Sud-Ouest anglophones.
Si la ville de Limbe, située dans le Sud-Ouest séparatiste et qui doit accueillir une poule de la compétition est la plus à risque, les villes de Douala et de Bafoussam, frontalières aux régions en crise, ne sont pas en reste. Du côté de Yaoundé, les autorités rassurent que la sécurité autour de l’événement sera garantie. Elles annoncent par ailleurs le déploiement de soldats supplémentaires dans les régions anglophones pour empêcher les attaques de séparatistes armés: "C’est tout ce que l’État peut faire pour le moment. Il doit renforcer son encadrement sécuritaire en filtrant particulièrement les mouvements entre la zone de crise, la zone anglophone et les autres régions du pays. Pour le reste, aucune solution efficace n’est envisageable parce que le temps ne permet plus que les problèmes existants soient résolus avant ou pendant la CAN", souligne Aristide Mono. Cependant, prévient HRW,
Dans son discours à la nation le 31 décembre,
Paul Biya est revenu sur la détermination du gouvernement à ramener la paix dans les régions du pays qui sont sujettes à des menaces sécuritaires. Il a par la suite invité "
les Camerounais et les Camerounaises à se mobiliser massivement pour faire de la CAN 2021 la plus belle fête du football jamais organisée sur notre continent".Cinq fois champion d'Afrique, le Cameroun n'a organisé la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations qu'une seule fois, en 1972. Au-delà de l’aspect sportif, cette CAN, argument de campagne de Paul Biya à la dernière présidentielle, constitue un attrait majeur de son septennat pour tenter de fédérer les Camerounais dans un pays déchiré par de nombreuses crises.