Il aura suffi d’un communiqué du ministère marocain de la Santé pour provoquer une nouvelle brouille entre le Maroc et l’Espagne, entre lesquels les tensions durent déjà depuis le mois d’avril. Publié lundi 20 décembre, ce texte répond à des interrogations sur le choix du pays en charge du rapatriement des Marocains. Optant pour le Portugal plutôt que pour l’Espagne, le ministère a expliqué cela par "l’absence de contrôle spécifique des pass de vaccination des voyageurs"par les autorités espagnoles.
"Les autorités espagnoles compétentes ne surveillent pas l’état de santé des voyageurs de la manière requise et stricte pendant le processus d’embarquement dans les aéroports (…) Plusieurs cas positifs au Covid-19 ont été détectés à l’arrivée ou en transit au Maroc, en provenance d’Espagne dans le cadre de vols spéciaux", poursuit le communiqué. À ce titre, il a été estimé qu’en "l’état actuel des choses, permettre des opérations de voyage de l’Espagne vers le Maroc constitue une menace pour la santé des citoyens, et un risque pour les acquis réalisés par le Maroc".
Suite à ces propos jugés "polémiques" par le pays concerné, la réactionne s’est pas fait attendre. Et c’est par le biais de son chef de la diplomatie, José Manuel Albares, que l’Espagne a contesté ces déclarations, lors d’une conférence de presse mardi 21 novembre. Qualifiant les propos du ministère marocain d’"inacceptables" et basées sur "aucune réalité objective", José Manuel Albares a répondu.
"L’Espagne remplit tous les critères internationaux en matière de lutte contre le Covid, le gouvernement y travaille sans relâche". Il a par ailleurs reproché à Rabat de ne pas avoir "transmis ces plaintes par voie diplomatique, avant de le faire par une déclaration", tout en assurant que "les intérêts de l’Espagne seront toujours défendus".
Ce communiqué a également conduit le chef de la diplomatie espagnole à s’adresser aux ambassades des deux pays, en Espagne et au Maroc, pour faire part de son désaccord. Des rumeurs sur une convocation du chargé d’affaires marocain, Farid Aoulouhaj, par Madrid ont même été propagées, après une publication sur le média en ligne espagnol El Confidencial. Une information néanmoins démentie par le site d’information marocain, Le360, qui cite un haut responsable de la diplomatie marocaine.
Mais les réactions sur ce communiqué ne se sont pas arrêtées à la sphère diplomatique. Les internautes espagnols ont également réagi sur les réseaux sociaux.
"Le Maroc se moque de l’Espagne; l’UE se moque de l’Espagne; les complotistes se moquent de l’Espagne; les migrants illégaux se moquent de l’Espagne; le président se moque de l’Espagne (…) je poursuis?"
"Tranquille, ils viennent déjà par la mer et gratuitement"
"Une astuce pour prendre soin de la santé des Marocains c’est de tous les retourner au Maroc"
Cette nouvelle brouille diplomatique survient quelques jours après les déclarations apaisées de José Manuel Albares lors de son audition le 16 décembre devant une commission du Sénat espagnol. "La crise est mise de côté. Elle est derrière nous. Il faut écouter le discours du roi en août dernier pour s’en convaincre. Nous souhaitons toutefois reconstruire une relation digne du XXIe siècle, et cela se fera petit à petit."
Ce communiqué va-t-il alors compromettre ces échanges apaisés entre les deux pays? Pas pour Mohamed Badine El Yattioui, professeur de relations internationales à l’Université américaine des Émirats, à Dubaï, qui explique à Sputnik que:
"Les Espagnols sont obligés de réagir médiatiquement". Mais selon lui, "aucun changement ne devrait avoir lieu concernant la situation diplomatique qui est en train de revenir doucement mais sûrement à une forme de normalité". D’autant plus que la diplomatie marocaine n’a pour le moment, pas réagi suite à cette affaire. La vraie question selon lui, porte sur l’ambassadrice marocaine à Madrid convoquée le 18 mai, et rappelée par le Maroc, qui n’a toujours pas regagné son poste. "Va-t-elle y retourner?, Sera-t-elle remplacée? Par qui?...", se demande-t-il.
Pedro Altamirano, président de la fondation Tariq Ibn Ziad pour la coopération hispano-marocaine, interrogé par Sputnik, est plus mitigé quant à un retour à "l’amitié historique" entre les deux pays.
Contestant à son tour les déclarations du ministère marocain de la Santé, il se dit toutefois "attristé" d’une crise qui, selon lui, a été dès le départ "provoquée par la politique étrangère de l’actuel gouvernement, soutenu par Podemos et les partis nationalistes proches de l’Algérie".
Il estime que tant que cette coalition politique existera, "une solution au problème actuel ne sera pas possible", malgré les souhaits d’amitiés transmis par les deux pays. "Je n’ai aucun doute que lorsque le gouvernement actuel changera (…) avec la mise en place d'un autre gouvernement qui soit plus pro-européen et plus proche du Maroc et des États-Unis, nous pourrons retrouver l’amitié historique qui lie les deux pays".
Pour rappel, le Maroc et l’Espagne traversent une crise diplomatique survenue après l’accueil dans un hôpital espagnol, "en catimini" et sous une fausse identité, du chef du Polisario, Brahim Ghali. Une crise qui s’est également répercutée sur la coopération migratoire entre les deux pays au mois de mai. D’ailleurs, mercredi 22 décembre encore, le journal espagnol El Faro de Melilla rapportait que 14 Marocains avaient réussi à entrer illégalement à Melilla après avoir escaladé la clôture de fer séparant l’enclave espagnole et le royaume chérifien.