Naufrage d’un navire au large du Cameroun: Yaoundé et Malabo sur la sellette

Au moins une personne est morte et une vingtaine d’autres portées disparues après le naufrage d’un navire qui reliait la Guinée équatoriale au Cameroun. Si l’on signale la présence de plusieurs Camerounais à bord, pour la classe politique locale, ces derniers tentaient d'échapper aux "traitements dégradants" infligés par Malabo aux migrants.
Sputnik
Le drame est survenu le 3 décembre et suscite encore moult interrogations au Cameroun. Selon la télévision nationale équato-guinéenne, TVGE, au moins "une personne est morte et une vingtaine d’autres portées disparues" après le naufrage au large du Cameroun d’un navire de marchandises avec plusieurs personnes à bord et qui reliait la Guinée équatorialeau Cameroun.

"Sur les 45 passagers et membres de l’équipage à bord du navire qui a coulé vendredi, la marine nationale a sauvé 20 personnes et a ramené le corps sans vie d’une femme; les autres personnes sont pour le moment portées disparues", a annoncé samedi la TVGE.

La classe politique se déchaîne

Si jusqu’à ce lundi 6 décembre l’on n’en sait pas plus sur le sort des personnes portées disparues, l’ambassade du Cameroun en Guinée équatoriale a dans un communiqué souligné la présence de plusieurs Camerounais dans ce navire et identifié la défunte comme une citoyenne camerounaise.
Dans le pays, ce drame a suscité de nombreuses réactions au sein de l’opinion et de la classe politique. Dans une sortie sur sa page Facebook, l’opposant Cabral Libii, arrivé troisième à la dernière présidentielle de 2018, croit savoir que parmi les naufragés, il y a "bien des compatriotes qui, fatigués d’être malmenés en Guinée équatoriale, ont décidé de rentrer au pays, mais malheureusement pour eux le destin en a décidé autrement".
En Guinée équatoriale, vaste opération contre les immigrés illégaux?

"Devant l'indifférence de leur pays à leurs incessants cris de détresse, ces citoyens ne demandaient qu’à rentrer chez eux pour fuir la pression de l’autre côté. Certains ont tout vendu pour venir recommencer une nouvelle vie chez eux mais malheureusement ils n’arriveront jamais", déplore le député.

Dans une autre réaction, Nourane Foster, député du Parti pour la réconciliation nationale (PCRN), abonde dans le même sens, pointant du doigt ces compatriotes qui "tentaient de s’échapper du traitement dégradant et avilissant du pays ami [la Guinée équatoriale, ndlr]. En voulant fuir la mort, ils ont trouvé la mort. Où est l’État?", s’interroge-t-elle.
Pour Auréole Tchoumi, secrétaire national à la communication de l’Alliance des forces progressistes (AFP), parti d’opposition, "ce drame est la résultante d'une diplomatie flegme et sans grande consistance du Cameroun".

"Pourquoi le Cameroun ne pouvait pas mieux s’organiser pour rapatrier ses compatriotes de Guinée? Pourquoi n'avoir pas créé un pont terrestre de rapatriement de nos concitoyens? Qu'est-ce qui justifie cette indolence d'un régime qui se fiche pas mal du sort de ses citoyens dans un petit pays comme la Guinée équatoriale? Aujourd'hui c'est difficile de dire avec exactitude le nombre de compatriotes portés disparus et le plus douloureux c'est l'absence d'indignation collective dont fait montre l'ensemble de la société face à ce drame", commente-t-il au micro de Sputnik.

"Libre circulation"

Si officiellement l’ambassade du Cameroun à Malabo n’a pas encore communiqué sur l’identité ou les raisons de la présence d'autres Camerounais à bord de ce navire de marchandises, la réaction de la classe politique locale est surtout consécutive à une récente opération contre des immigrés illégaux en Guinée équatoriale. Depuis novembre dernier, la police équato-guinéenne a interpellé des centaines de migrants "en situation irrégulière" sur son territoire.
Une opération qui a vu l’arrestation de nombreux ressortissants de la zone CEMAC (communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), une région à l’intérieur de laquelle la libre circulation est pourtant officiellement actée depuis octobre 2017.
Parmi les personnes arrêtées, beaucoup de Camerounais qui constituent la plus forte communauté étrangère dans le pays. Coutumière de ce type d’opération, la Guinée équatoriale est pointée du doigt par de nombreux observateurs à l’instar de David Eboutou, spécialiste en histoire des relations internationales, comme la nation qui "retarde et décourage toute velléité de politique d'intégration sous-régionale".
Cameroun-Guinée équatoriale, le mur de toutes les tensions

"La Guinée équatoriale a toujours pensé que son statut de ‘nouveau riche’ lui donnait tous les droits. Un véritable leurre qui se manifeste sporadiquement par des actes de violence, de xénophobie et d'hostilité contre les étrangers, et principalement les Camerounais", se désolait-il dans une récente interview à Sputnik.

Cependant pour Malabo, cette décision a été prise après avoir constaté "la présence sur le territoire national d’un nombre excessif d’expatriés dans des conditions d’irrégularités"et rentre dans le cadre de "la défense d’un intérêt national essentiel".
Depuis que ce pays d’Afrique centrale est devenu un Eldorado pétrolier, il suscite la convoitise de ses voisins et attire de nombreux Camerounais qui s’y installent pour bénéficier des retombées économiques de la manne de l’or noir. Une migration massive qui entraîne très souvent de l’insécurité et des tensions. Les ressortissants camerounais sont régulièrement accusés par Malabo de toutes sortes de dérives et trafics.
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