Branle-bas de combat pour Israël! Alors que les négociations sur le nucléaire iranien ont repris depuis le 29 novembre, Tel-Aviv s’active pour influer sur le cours des événements. En déplacement à Paris, le ministre des Affaires étrangères israélien, Yaïr Lapid, s’est longuement entretenu avec Emmanuel Macron. À l’issue de la rencontre, le chef de la diplomatie israélienne n’a pas caché ses desseins: "Les sanctions doivent être renforcées et une véritable menace militaire doit être exercée contre l'Iran, car cela seul l’empêchera de poursuivre sa course à l’arme nucléaire. La course ne s'est pas arrêtée jusque-là et ne s'arrêtera pas aux pourparlers de Vienne."
Tel-Aviv a voulu de surcroît mettre Paris en garde: selon l’État hébreu, Téhéran essayerait de "gagner du temps", il ne faudrait donc pas lui faire confiance. Un message répété également à Londres, la veille, et auprès des Américains. En effet, Yaïr Lapid fait la tournée des capitales européennes pour tenter de durcir la position occidentale sur le dossier du nucléaire iranien. "Avec le Premier ministre, Naftali Bennett, et le ministre de la Défense, Benny Gantz, qui se rendront à Washington la semaine prochaine, nous continuerons à travailler pour que le monde entier comprenne pleinement la menace iranienne", a poursuivi le ministre des Affaires étrangères israélien. En pratique, Israël refuse toute perspective d’un accord non contraignant contre l’Iran.
Cavalier seul pour Israël
"C’est la position traditionnelle israélienne à l’égard de l’Iran",résume Thierry Coville, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de l’Iran.
"Les Israéliens sont assez gênés aux entournures. Aujourd’hui, leur stratégie consiste à faire pression sur les partenaires occidentaux pour qu’ils soient le plus durs possible à l’égard de l’Iran", explique-t-il au micro de Sputnik.
Mais les États-Unis sont bien décidés à renégocier sur le nucléaire iranien. "Nous continuons de croire que la diplomatie est le meilleur moyen de relever les défis, la menace posée par le programme nucléaire iranien", avait déclaré le secrétaire d’État Anthony Blinken le 31 octobre dernier. Une attitude qui a un impact sur la situation israélienne.
"Les Israéliens semblent plus isolés dans cette politique de pression maximale", résume Thierry Coville.
Les alliés objectifs de Tel-Aviv, à savoir les habituels adversaires arabes de l’Iran, se sont révélés moins catégoriques sur le sujet. Riyad et Téhéran ont même repris contact par le biais de négociations entamées à Bagdad. De plus, une délégation émiratie a reçu le vice-ministre des Affaires étrangères de l’Iran, Ali Bakiri, à Abou Dhabi le 24 novembre. Les deux parties ont confirmé "le développement de relations fondées sur le bon voisinage conformément aux intérêts communs".
Ainsi, Israël se prépare à faire cavalier seul dans le dossier iranien. Lors d’un discours prononcé le 23 novembre à l’université israélienne Reichman, Naftali Bennett a haussé le ton: "Nous allons vers des temps compliqués. Peut-être aurons-nous des désaccords avec certains de nos plus proches alliés. Ce ne serait pas la première fois. Mais nous ne répéterons pas l’erreur que nous avons faite quand le précédent accord a été signé en 2015."
Israël se prépare à la guerre contre l’Iran
En outre, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a livré une véritable profession de foi en novembre dernier: "Tsahal doit être en capacité d'agir seule contre l'Iran." Pour ce faire, Tel-Aviv ne lésine pas sur les moyens. En octobre dernier, le gouvernement israélien a approuvé un budget de 1,3 milliard d’euros pour une éventuelle attaque militaire. Cette somme comprend des fonds pour divers types d'avions, des drones de collecte de renseignements, nécessaires pour cibler des sites nucléaires iraniens souterrains fortifiés. Israël s’est voulu dissuasif. Thierry Coville, quant à lui, juge la "crédibilité de ce genre d’annonces un peu limitée".
"Même sous l’Administration Trump, il n’y avait pas eu de guerre directe, malgré les tensions régionales et le fort sentiment anti-iranien à Washington. Ça serait prendre des risques gigantesques", prévient-il.
Reste que l’État hébreu paie le prix de ses choix passés: "Les Israéliens se sont mis dans cette situation qu’ils ont contribué à créer", souligne Thierry Coville. En effet, le gouvernement Netanyahou avait poussé Donald Trump à se retirer unilatéralement de l’accord de 2015. Le Premier ministre israélien de l’époque avait salué cette "décision historique" en qualifiant le Président américain de "courageux".
S’en est ensuivi une politique de pression à l’égard de Téhéran avec le durcissement des sanctions économiques. Puis les assassinats en 2020 de Qassem Soleimani, tête pensante de la politique étrangère iranienne, et du scientifique Mohsen Fakhrizadeh, le patron du programme nucléaire militaire, ainsi que les nombreuses cyberattaques et sabotages des sites iraniens.
Rien de tout cela n’a mis fin aux ambitions de Téhéran. Depuis, le pays des mollahs n’a de cesse d’accroître ses stocks d’uranium enrichi au-delà de la limite autorisée de 3,67%. Selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) publiées en novembre, l’Iran a porté sa réserve d’uranium enrichi à 60%à 17,7 kg contre 10 kg fin août. Dans le même temps, la quantité d’uranium enrichi à 20% est passée de 84,3 kg à 113,8 kg. En somme, tout le contraire de ce que voulait Israël.