Des militaires français accusés de meurtre à Téra, localité de l’ouest du Niger située à 200 kilomètres de Niamey. Les faits remontent à samedi 27 novembre lorsqu’un convoi de la force française Barkhane a été bloqué durant plusieurs heures par des manifestants. La population locale accuse les soldats français de livrer des armes aux groupes terroristes qui activent dans le Sahel. Le colonel Pascal Ianni, porte-parole du chef d’état-major des forces armées françaises, a indiqué à RT International que les militaires et les chauffeurs civils ont été pris à partie par des "manifestants particulièrement violents".
L’usage d’armes de guerre face aux manifestants a provoqué la mort de trois personnes, dont un enfant de 14 ans selon des sources locales, et fait 18 blessés, dont 11 graves. Sept blessés ont été par ailleurs enregistrés chez les militaires et civils français d'après la source militaire.
"Les gendarmes nigériens et des militaires français ont dû procéder à des tirs de sommation pour se protéger et protéger les conducteurs civils et pour empêcher ces manifestants de piller le convoi, voire d’en détruire une partie", explique l’officier français.
Les douilles de munitions spécifiques à des armes de poings en dotation dans l’armée française.
Malaise politique
Jusqu’à présent, l’implication des soldats français dans la mort de ces civils n’a pas été confirmée par les autorités nigériennes. Des éléments de la gendarmerie nigérienne escortaient aussi le convoi. Les événements de Téra ont conduit le Président nigérien Mohamed Bazoum à procéder à un changement dans son équipe gouvernementale. Hamadou Adamou Souley, qui était ministre de l'Équipement, a été nommé ministre de l’Intérieur en remplacement d’Alkache Alhada qui rejoint le département du Commerce. Cette affaire a provoqué un véritable malaise politique puisque la veille de l’arrivée du convoi militaire à Téra, le chef de l’État avait déclaré que "de tous les pays qui sont engagés à nos côtés dans la lutte contre le terrorisme, aujourd'hui la France est le pays qui consent le plus de sacrifices". Une vision que ne semble pas partager la population du Niger.
Ce convoi de la force Barkhane révèle le ressentiment antifrançais qui a cours dans cette partie du Sahel. Depuis son départ d’Abidjan, ce convoi a été confronté à plusieurs blocages. Au Burkina Faso, les militaires ont été ralentis à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou. Le passage par la ville de Kaya a été marqué par un fait inédit lorsqu’un adolescent de 15 ans a neutralisé un drone militaire de reconnaissance avec son lance-pierre.
Redéploiement
Contacté par Sputnik, Djalil Lounnas, professeur en relations internationales à l’université américaine Al Akhawayn d’Ifrane, au Maroc, confirme que ce sentiment antifrançais est aujourd’hui "une réalité" au sein de la population, même si des groupes djihadistes avaient joué un rôle dans son développement en affirmant qu'il s'agissait de "troupes d’occupation judéo-chrétienne qui viennent piller les richesses naturelles".
"Il y a un réel sentiment antifrançais dans cette partie du Sahel, je l’ai constaté clairement lors de mon dernier séjour au Mali. Il est très présent notamment dans ce pays où les troupes françaises sont très mal perçues. On verra comment ce genre de manifestations vont se généraliser au Burkina Faso et au Niger", précise ce spécialiste des groupes terroristes dans le Sahel.
La situation diffère d’un pays à l’autre même si les militaires français interviennent dans des zones qui sont communes à ces pays, à l’instar de la région des trois frontières devenue un véritable fief terroriste. Selon Djalil Lounnas, le cas du Niger est spécifique du fait des intérêts économiques de la France dans ce pays. À ce titre, il s’attend à un redéploiement militaire qui devrait aller vers une concentration des troupes vers le nord du pays.
"C’est mon avis, avec le retrait du Mali, la présence française va se redéployer pour se concentrer essentiellement sur le Niger, pays où se trouvent les intérêts économiques. Donc il va concerner en priorité le nord du Niger où se trouvent les mines d’uranium d’Arlit exploitées par Orano (anciennement Areva)", conclut-il.