Entre Rabat et Alger, Madrid joue les équilibristes

À quelques jours du prochain sommet de l’Union pour la Méditerranée où devraient se réunir les pays membres de l’institution, la diplomatie espagnole affiche son ambition de jouer les médiateurs pour endiguer l’escalade entre le Maroc et l’Algérie. José Manuel Albares détient-il la "recette" magique?
Sputnik
Le ministre espagnol des Affaires étrangères semble détenir la solution au problème maroco-algérien. C’est en tout cas ce que peuvent laisser penser ses propos rapportés par l’agence Europapress, mardi 16 novembre. Après avoir reconnu suivre avec "inquiétudes" toute situation pouvant affecter l’Algérie et le Maroc qui est un "pays fondamental pour la stabilité en Méditerranée", le successeur d’Arancha Gonzalez Laya a proposé la "retenue et le dialogue" comme "recette" pour sortir de cette crise.
En faveur de la désescalade, il a confié quelques jours plus tôt, lors d’une interview accordée au site d’information Diariodesevilla, qu’il envisagerait de saisir l’occasion de la prochaine rencontre de l’Union pour la Méditerranée qui se tiendra à Barcelone les 28 et 29 novembre, "pour parler des choses", ajoutant que "c’estavant tout avec eux que nous construisons la Méditerranée".
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Assis entre deux chaises

En adoptant une telle posture, l’Espagne souhaite avant tout mettre fin à cette situation inconfortable dans laquelle elle se trouve, et qui impacte directement ses intérêts et ceux de ses citoyens. Victime collatérale de la crise Algérie-Maroc, ses "propres prospérité et stabilité" se jouent en raison de ses "relations stratégiques avec les deux partenaires", d’un point de vue migratoire, pour la lutte contre le terrorisme et sur le plan énergétique, a rappelé le ministre espagnol. Pour rappel, les tensions entre l’Algérie et le Maroc ont directement impacté l’Espagne lors de la fermeture par l’Algérie du Gazoduc Maghreb-Europe transitant par le Maroc.
Les craintes de la hausse des prix du gaz en pleine période hivernale ont suscité de vives réactions chez les Espagnols. Avec le Maroc, l’Espagne tourne tout juste la page de plusieurs mois de tensions autour de l’affaire Brahim Ghali. L’accueil en "catimini" du chef du Polisario a suscité la colère de Rabat et entraîné une importante crise diplomatique ayant même impacté la coopération en matière de migration entre les deux pays. Assis entre deux chaises, l’Espagne n’a d’autre choix que de prendre les choses en main et de tenter une médiation.
Contacté par Sputnik, Mohamed Badine El Yattioui, professeur en Relations internationales à l’université américaine de Dubaï, estime que cette position de médiateur permettrait également à l’Espagne de jouer un rôle majeur et démontrer que c’est un acteur clé dans les relations méditerranéennes. "Le seul autre pays méditerranéen qui pourrait jouer ce rôle en dehors des pays arabes, c’est la France, mais au vu des tensions existantes entre Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, ce dernier ne préférerait pas s’en mêler, ce qui laisse cette option à l’Espagne".
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Malgré cette proximité qu’entretient Madrid avec les deux pays, l’ambition de José Manuel Albares est-elle réalisable? Les observateurs sont très sceptiques. Si le Maroc n’a pas réagi officiellement aux différentes tentatives de ses partenaires arabes de jouer les médiateurs quelques mois auparavant, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, avait quant à lui affirmé en septembre dernier, lors d’une rencontre de la Ligue arabe, que ce sujet ne serait pas à l’ordre du jour.
Le Président algérien a confirmé ce refus en octobre dernier en affirmant: "Que l’Algérie n’acceptera aucune médiation avec le Maroc". Plus récemment, certains supports marocains et algériens ont même rapporté que les ministres des Affaires étrangères des deux pays, Nasser Bourita et Ramtane Lamamra, auraient refusé de se serrer la main lors de la rencontre pour la Libye qui s’est déroulée à Paris le 12 novembre dernier.
Pour l’intervenant de Sputnik, une médiation "n’arrange pas Alger qui préfère couper court à cette idée espagnole, car l’intérêt du régime algérien est de faire perdurer cette crise", met-il en valeur en rappelant que c’est l’Algérie qui a décidé de rompre les relations diplomatiques. Selon l’analyste franco-marocain, les responsables algériens chercheraient même à "détourner l’opinion publique des problèmes intérieurs, et d’unifier la population contre un ennemi extérieur", deux ans après le soulèvement du Hirak. La mission de l’Espagne s’annonce donc complexe, voire vouée à l’échec lors du prochain sommet prévu fin novembre. En attendant, elle devra maintenir un équilibre pour ne froisser aucun de ses deux partenaires.
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