En dépit des révélations du consortium créé par Forbidden Stories sur l’affaire Pegasus, la France n’a pour l’instant pas souhaité incriminer le Maroc, officiellement par manque de preuves. Elle a en revanche mis la pression sur Israël, le pays de la société qui a créé le logiciel Pegasus.
Après que l’organisation Forbidden Stories et ses 16 partenaires internationaux ont révélé le piratage de 50.000 numéros de téléphone, dont celui d’Emmanuel Macron, par Pegasus, le Président de la République a ordonné des investigations.
D’après les révélations de Forbidden Stories et de ses partenaires, le pays qui aurait visé un millier de Français serait le Maroc.
Le royaume chérifien a aussitôt démenti en disant n’avoir jamais acquis ou utilisé ce logiciel malveillant et que ces insinuations ne seraient que calomnies.
Plus encore, le Maroc nie être un client de la société NSO, qui commercialise le malware. L’avocat du Royaume, Olivier Baratelli, a même affirmé "de manière solennelle" à France Inter que son pays "n’a jamais utilisé le logiciel Pegasus".
Paris s’est montré complaisant vis-à-vis de Rabat. Selon France Inter, Emmanuel Macron n’a pas demandé d'éclaircissements au roi Mohammed VI durant l’été. Il semble, pour l’heure, que la France n’ait aucune preuve incontestable à l’encontre du Maroc.
La radio indique qu’une offensive diplomatique a été en revanche lancée contre Israël, le pays d’origine du malware. Selon les informations de la Cellule investigation de Radio France, Gérald Darmanin a même suspendu un projet de visite officielle à Tel Aviv cet automne.
La pression sur Israël porte ses fruits
Alors que le conseiller israélien à la sécurité s’est rendu à l’Élysée en octobre pour désamorcer le conflit, la France a exigé que ses ressortissants, à l’instar de ceux des États-Unis, ne soient plus espionnés par des logiciels fabriqués en Israël. L’exigence a été satisfaite et Tel Aviv a promis qu’à l’avenir les numéros avec l’indicatif +33 ne pourraient plus être visés.
"L'accord conclu prévoit que dans tout contrat futur entre une société de cyberespionnage israélienne et un autre gouvernement, il y aura une clause spéciale qui dira que le logiciel ne pourra pas être utilisé contre des cibles françaises", a détaillé à France Inter le journaliste spécialiste du renseignement israélien Barak Ravid.
La radio indique que selon des témoignages recueillis par ses journalistes avec ceux du Monde "les services ont la certitude que le Maroc utilise Pegasus depuis plusieurs années", mais qu’"on ne souhaite pas l’accuser publiquement d’espionnage".
Silence à l’Assemblée et au Sénat
Alors que les victimes de Pegasus ne se sentent ni soutenues ni protégées par l’État français, la classe politique garde le silence.
Même cas de figure à l’Assemblée et au Sénat qui n’ont pas demandé une enquête sur Pegasus.
En attendant, les services peinent à comprendre le fonctionnement de ce logiciel "furtif, très difficile à détecter", signale France Inter. Ils ne peuvent pas compter sur leurs voisins pour les renseigner bien qu’une majorité de pays européens l'aient acquis pour des activités de renseignement ou pour des actions judiciaires.
Les téléphones de Macron et de 14 membres du gouvernement ciblés
L’enquête menée par l’organisation Forbidden Stories, l’ONG Amnesty International et des partenaires internationaux, dont la Cellule investigation de Radio France, Le Monde, le Guardian et le Washington Post, parue le 18 juillet dernier, a révélé que plusieurs milliers de numéros de téléphone français appartenant à des journalistes et des personnalités politiques avaient été piratés par Pegasus. La majorité serait pour le compte du Maroc.
Le logiciel a servi à tenter d’infiltrer les téléphones d’Emmanuel Macron et de 14 membres du gouvernement, dont celui de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe.
Certains pays semblent cependant moins exposés, notamment la Chine, la Russie et les États-Unis, que le logiciel ne peut pas cibler par défaut à en croire les informations du Monde.