Représentant le roi Mohammed VI à la conférence internationale pour la Libye organisée à Paris le 12 novembre, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita a pris part à la rencontre aux côtés d’une trentaine de pays, dont l’Algérie, l’Espagne, l’Allemagne avec qui les relations ont été plutôt tumultueuses ces derniers mois. Pour rappel, le Maroc avait même décliné l’invitation de Berlin à la seconde conférence qui s’était tenue le 23 juin 2021, après un "faux pas" diplomatique de l’Allemagne en janvier 2020, qui n’avait pas convié le pays hôte de la conférence de Skhirat.
De retour aux côtés de ses homologues, Nasser Bourita a réitéré la position marocaine, en faveur de "l’instauration d’un cadre législatif des élections en Libye qui soit consensuel et inclusif, et ce, dans le but de renforcer la souveraineté libyenne et permettre à la communauté d’avoir un seul interlocuteur". Le chef de la diplomatie marocaine a également appelé au départ des troupes étrangères du sol libyen, regrettant à ce titre que certains pays fassent de ce territoire "une arène de lutte par procuration". Une déclaration qui fait écho à la position de la majorité de ses homologues présents à la conférence qui ont appelé au retrait des "mercenaires" et des "combattants étrangers". Une étape importante selon Emmanuel Dupuy, président de l’Institut de prospective et sécurité en Europe (IPSE) contacté par Sputnik, qui estime que sans ce retrait, la tenue des élections peut être compromise.
"Comment peut-on avoir des élections présidentielles et législatives, lorsqu’il y a encore des troupes étrangères stationnées sur le pays […], comment peut-on avoir des élections, dans six semaines seulement, alors que la situation sécuritaire est, certes, stable, mais quand même pas optimale…"
Dans le même ordre d’idées, le ministre marocain regrette que certains pays fassent de ce conflit un "fonds de commerce diplomatique". Une déclaration qui ne visait pas uniquement l’Algérie, estime Emmanuel Dupuy car "tous les pays engagés dans ce processus ont un intérêt particulier sur la question libyenne". "La Libye, est devenue un terrain de jeu et d’enjeux de puissances extérieures qui utilisent des proxys pour faire valoir leur propre agenda sur le territoire". Il cite alors les pays impliqués dans le conflit, dont les pays du voisinage immédiat qui selon lui "ont un intérêt à ce que la situation ne s’améliore pas forcément, car si elle s’améliorait, cela pourrait provoquer des velléités de reprise des activités armées de déstabilisation [sur leur propre sol]. Les groupes armés tchadiens et soudanais sont moins dangereux sous contrôle en Libye que sur leurs propres territoires. Chacun, à sa façon, joue donc à ce statu quo".
"Pas de solution berlinoise" au conflit libyen… ni parisienne
Par ailleurs, si Nasser Bourita a affirméà maintes reprises que le Maroc n’avait pas d’intérêt ou d’agenda en Libye, il a défendu la volonté du souverain de faire du Maroc "une terre d’accueil pour le dialogue interlibyen". Une volonté qui s’était traduite par la tenue en 2020, peu après la conférence de Berlin, d’une rencontrequi avait réuni le président du Haut Conseil d’État domicilié à Tripoli et présidé par Khaled Al Mechri et le Parlement de Tobrouk. Ces derniers ne s’étaient jamais réunis de façon concertée auparavant, constate Emmanuel Dupuy, qui ajoute que: "La diplomatie marocaine rappelle qu’elle est là pour faciliter des rencontres qui jusqu’à présent n’avaient pas pu avoir lieu entre deux chambres", contrairement aux conférences organisées en Europe qui se suivent et se ressemblent. "Les conférences se succèdent les unes les autres, en rappelant les mêmes choses. Ce qui montre que ce format ne fonctionne pas, en l’occurrence à Berlin, on avait déjà dit qu’il fallait veiller à ce que des élections aient lieu le 24 décembre prochain, et rappelé qu’elles doivent être associées à des élections législatives... de même que pour la question de l’ingérence internationale…".
Ainsi, fidèle à sa position au lendemain de la seconde conférence de Berlin tenue en juin 2021, selon laquelle "il n’y a pas de solution berlinoise à la crise libyenne", le Maroc a appelé, à Paris, à bannir "tout paternalisme". Il espérerait donc voir l’Union africaine davantage impliquée dans la résolution de ce conflit, en appui de la mission de médiation confiée au Président du Congo-Brazzaville. "D’autres organisations intergouvernementales doivent être également impliquées dans la concertation, je pense notamment à la Ligue arabe, à l’organisation de coopération islamique…", estime l’expert contacté par Sputnik.