Crise migratoire Biélorussie-UE

Crise migratoire: contre la Biélorussie, Varsovie menace d’en appeler à l’OTAN

Face à l’afflux de migrants, la Pologne et ses alliés lituaniens et lettons songent à recourir à l’OTAN pour sécuriser leurs frontières avec la Biélorussie. Une menace disproportionnée?
Sputnik
Le déferlement de migrants à la frontière polonaise concerne-t-il l’OTAN? Oui, selon les dirigeants polonais. De concert avec leurs homologues lettons et lituaniens, ils entendent déclencher l’article 4 du traité de l’Atlantique Nord. Après s’être tourné vers l’ONU et l’Union européenne, Varsovie en appelle à l’OTAN pour sécuriser sa frontière avec la Biélorussie. L’Alliance atlantique devrait prendre des "mesures concrètes" afin de résoudre cette crise, a notamment déclaré ce 15 novembre le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki. Selon ce dernier, la Pologne est "attaquée" par son voisin Biélorusse.
L’article 4, que la Pologne la Lettonie et Lituanie avaient déjà songé à déclencher lors de la crise en Crimée, prévoit une consultation des vingt-huit membres de l’Alliance sur les questions militaires lorsque "l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties est menacée". Cette mesure prélude à une éventuelle attaque armée afin de réaffirmer le caractère politique et dissuasif de l'Alliance.
Solliciter l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord pour repousser des migrants revient-il à déclencher un tir de missiles pour éliminer des moustiques? En fait, il s’agirait plutôt d’une "hypocrisie totale", selon Nikola Mirkovic, fondateur de l’ONG Ouest-Est, qui réagit au micro de Sputnik.

"L’Union européenne accueille officiellement près de trois millions d’immigrés par an et la plupart entrent par des pays membres de l’OTAN. Pourquoi cela serait-il normal quand les migrants arrivent en Europe via la France, l’Italie ou la Turquie? Et pourquoi cela serait-il anormal quand ils passent par la Biélorussie?" interpelle l’auteur du "Martyre du Kosovo" (Éd. Jean Picollec, 2013). "L’OTAN n’a rien fait pour défendre les frontières européennes contre les arrivées massives d’immigrés", ajoute-il.

Paraphrasant Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN qui affirmait que "l’Otan et l’Union européenne sont les deux faces d’une même pièce", Nikola Mirkovic estime donc que ce "prétexte de l’immigration" pour sanctionner Minsk serait "totalement fallacieux". Une "hypocrisie" d’autant plus forte que, comme le rappelle notre intervenant, les pays d’où sont originaires ces migrants ont été déstabilisés par des interventions militaires occidentales.

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Varsovie n’a pourtant pas attendu une éventuelle réunion de l’OTAN pour appeler ses alliés à l’aide. Depuis le 11 novembre, Londres a dépêché sur place un groupe de soldats, afin de fournir "un soutien technique" aux Polonais: en l’occurrence renforcer les barbelés à la frontières avec la Biélorussie. Il faut dire que la Pologne est confrontée à cette ruée de milliers d’immigrés moyen-orientaux, situation inédite pour elle, depuis le mois d’avril. Depuis début septembre, le pays est en état d’urgence.
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Il s’est tourné tour à tour vers l’ONU et l’EU, jusqu’à présent sans succès. Sans succès… ou presque, car l’Union européenne, habituellement si prompte à condamner les pays qui érigent des barrières contre les migrants n’a pour l’heure pas daigné menacer Varsovie. La semaine précédant la validation par la Diète de la construction d’un mur anti-migrants, Ursula von der Leyen s’était contentée de déclarer: "Il n’y aura pas de financement de barbelés et de murs." En gros, un refus de participation pécuniaire qui valait blanc-seing pour Varsovie.
L’enceinte projetée par les Polonais devrait s’étirer sur une centaine de kilomètres. Une clôture bien modeste par rapport aux 508 km du mur anti-migrant lituanien, dont la construction a été décrétée le 10 août… Le dispositif projeté par Vilnius n’a pas non plus reçu la moindre critique de Bruxelles. Cette fermeté soudaine des Européens est en fait un deux poids, deux mesures révélateur d’intentions plus ou moins avouables selon Nikola Mirkovic.

"Tout d’un coup, le mur est important, il faut défendre la Pologne qui est attaquée et qui doit tenir bon. C’est de la schizophrénie. On a l’impression que le seul étalon de mesure est: “Est-ce que cela peut faire du mal aux Russes ou à leur zone d’influence?” La Hongrie qui veut faire un mur: c’est mal. La Pologne qui veut faire un mur contre un pays qui est en union avec la Russie: c’est bien!"

La Cour de justice de l’Union européenne avait condamné fin 2020 la Hongrie l’accusant d’avoir enfreint le droit de l’Union en matière d’asile. Les magistrats de la Cour de Luxembourg ont considéré comme une "détention" l’acheminement des migrants vers des zones de transit sur le territoire hongrois. Dans le cas présent, ceux qui se pressent à la frontière biélorusses ne fouleront probablement jamais le sol européen dans la mesure où il est question pour certains de les renvoyer directement par avion en Irak.

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Témoignage de ce soutien étonnant des partenaires européens de Varsovie, les récentes déclaration de Clément Beaune. "Il faut tenir la frontière, déclarait-il le 12 novembre. Il faut de la solidarité européenne, incontestablement. Nous sommes prêts à la porter et nous la portons depuis cet été." Un mois plus tôt, le secrétaire d’État français aux Affaires européennes n’avait pourtant pas de mots assez durs à l’encontre de la Pologne dont la cour constitutionnelle avait proclamé la primauté de son droit national sur le droit communautaire. Une "attaque contre l’Union européenne", avait-il fustigé.
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D’ailleurs, depuis fin octobre, la Commission européenne inflige à cet État membre une amende quotidienne d’un million d’euros. Une sanction qui pèsera tant que Varsovie ne se sera pas conformé à un arrêt de la Cour de justice européenne. L’institution transnationale lui ayant intimé de renoncer à des réformes judiciaires.
Or, dans la crise des migrants entre Pologne et Biélorussie, Bruxelles remballe sanctions et beaux discours. Pourquoi cette soudaine compréhension?

"La seule chose qui transparaisse dans tout cela, c’est que l’Union européenne serait prête à transgresser ses propres règles, c’est-à-dire répartir ses immigrés à travers l’Europe, pour une seule raison: c’est qu’en face c’est la Biélorussie", estime Nikola Mirkovic.

Du côté de la Pologne, qui héberge une bonne partie de l’opposition biélorusse, le "commanditaire" de cette attaque "hybride" serait ni plus ni moins que Vladimir Poutine. Du moins si l’on en croit les accusations de Mateusz Morawiecki, portées le 9 novembre à la Diète.
Et ce alors que les Européens "ont eux-mêmes créé les conditions pour que des milliers et des centaines de milliers de personnes arrivent", a rétorqué le Président russe. L’hôte du Kremlin refusant de rester muet face aux accusations du chef du gouvernement polonais.

Mais, pour l’instant, Bruxelles semble bien décidé à reprendre en chœur le refrain entonné par Varsovie. Les autorités européennes menacent de nouvelles sanctions non seulement la Biélorussie, mais également la Russie.
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