Le troisième pays importateur d’armes du continent derrière l’Égypte et l’Algérie poursuit l’exécution de son large programme de modernisation des équipements militaires de ses forces armées. Pour 2022, le nouveau gouvernement marocain prévoit même une hausse du budget devant s’élever à 12,8 milliards de dollars pour "l’achat et la maintenance d’équipements pour les Forces armées royales". À ce titre, la presse locale fait état depuis quelques jours de commandes et acquisitions "massives" d’armes et de matériel militaire auprès de différents partenaires.
Que comprennent donc ces nouvelles acquisitions? Dans les publications concordantes de la presse marocaine, citant notamment des sources militaires,on perçoit rapidement l’effervescence dans cette course à l’armement. Frégates multi-mission auprès de l’Italie, navire-patrouilleur espagnol, hélicoptères d’attaque, mais pas seulement. Le pays envisage des travaux de mise à niveau de deux grandes bases aériennes pour accueillir la commande lancée il y a deux ans de nouveaux F16 ultrasophistiqués, lesquels s’ajoutent à sa flotte existante de F16.
Pour les forces terrestres, le Maroc a confirmé récemment son intention d’acheter des camions CAESAR à la France, et a également conclu un accord avec Israël pour une variété de missiles qui seront livrés prochainement. Par ailleurs, une commande de quatre drones MQ-9B SeaGuardian a été passée auprès des Américains, dont la vente a été toutefois suspendue l'été dernier par le Congrès sur fond d'escalade au Sahara occidental. Des acquisitions qui viendraient s’ajouter à une importante commande passée auprès de la Turquie pour plus de 62 millions de dollars de matériel haut de gamme.
Sur le plan stratégique, les Forces armées royales se sont dotées, depuis juillet, d’un nouveau radar franco-américain, le Ground Master 400. Un système de surveillance qui permettrait de protéger l’espace aérien avec une "détection à longue portée des menaces". Le Maroc s’intéresse également au fameux Dôme de Fer israélien, arme de dissuasion et de défense aérienne.
Une liste non exhaustive, qui révèle une véritable diversification de matériel et de partenaires, avec une priorité cependant accordée au matériel américain, constate l’analyste en défense et sécurité, Nizar Derdabi. Cette priorité est dictée, selon lui, par "le besoin d’améliorer l’interopérabilité avec les forces armées US et de renforcer les capacités des forces armées marocaines à mener des opérations de coalition".
Ainsi, dans le cadre de la signature d’un accord de coopération en matière de défense entre les deux partenaires en octobre 2020, "Rabat pourra bénéficier d’armes et de technologies militaires américaines de pointe qui étaient réservées uniquement aux pays considérés comme partenaires stratégiques". "Celles-ci procureront aux forces armées marocaines un avantage technologique décisif sur leurs adversaires dans la région", ajoute-t-il, tout en rappelant qu’actuellement, l’armement de l’Algérie demeure supérieur à celui du Maroc, d’autant plus qu’elle continue de renforcer ses capacités avec les derniers avions de chasse russes Soukhoï Su-57. Un argument que confirme Akram Kharief. Joint par Sputnik, le journaliste algérien ajoute que le matériel fourni par les Russes est très avancé, notamment en matière de défense anti-aérienne et de radars pour lesquels "ils sont numéro un mondiaux devant la Chine et les États-Unis".
Si ces acquisitions permettront au royaume de se munir contre d’éventuelles "menaces", notamment celles de son voisin, d’autres critères doivent également être pris en compte, tels que "l’avantage technologique, la formation et l’entraînement du personnel, le maintien en condition du matériel et surtout l’efficacité de la chaîne de commandement qui permet d’avoir un avantage opérationnel sur le terrain", analyse l’expert marocain.
Il affirme à ce titre que "les Forces armées marocaines, en multipliant les exercices combinés avec les forces armées américaines et en participant à des opérations de maintien de la paix, ont acquis un avantage déterminant dans ce domaine."
Une menace régionale croissante
Parmi les raisons qui motivent cet engouement croissant pour l’armement, la montée des tensions au Sahel, mais aussi des menaces terroristes dans la région, et le désengagement progressif des forces armées française dans la lutte contre ces groupes, explique M.Derdabi. "Les forces armées africaines se préparent pour mener la lutte contre ces organisations terroristes dont la menace ne cesse de croître".
D’autre part, le Maroc fait face aux intentions perçues comme "belliqueuses" de son voisin, qui a récemment promis des représailles suite au décès, dans des circonstances inconnues, de "trois routiers civils" algériens. Certains médias rapportent en outre des manœuvres navales algériennes à la frontière marocaine.
Malgré cela, l’analyste en défense et sécurité, Nizar Derdabi estime qu’un scénario de guerre entre les deux frères ennemis n’est dans l’intérêt d’aucun des deux, et serait donc d’après lui peu probable. D’autant plus que "celui qui sera à l’origine de cette guerre risque de faire l’objet de condamnations voire de sanctions de la part de la communauté internationale, et ne pourra pas bénéficier de soutiens (diplomatiques et logistique des grandes puissances, ndlr)".