Le podium mondial des producteurs de vin est chamboulé: si l’Italie reste en tête, la France cède sa deuxième place à l’Espagne. On s’y attendait un peu, les gelées d’avril et la sécheresse estivale ont obéré la saison 2021, mais la baisse de 27% de la production par rapport à 2020 a de quoi impressionner.
Selon le bilan de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) publié ce 4 novembre, la récolte française, qui s’est élevée à 34,2 millions d’hectolitres, ne peut rivaliser cette année avec les 44,5 millions d’hectolitres produits en Espagne, qui a pourtant vu son flux de vendanges se réduire de 14%.
Il en faut plus pour rendre maussade Romain Petiteau, vigneron de Loire-Atlantique, qui confirme pourtant "une faible récolte cette année" sur ses terres.
"On a fait chez moi 20% d’une récolte normale. Ça va avoir un impact sur les quantités que l’on va commercialiser l’année prochaine", informe Romain Petiteau.
Dans son Domaine de la Tourlaudière, la première récolte a été vinifiée en 1976. Aujourd’hui, le jeune propriétaire de l’affaire de 35 hectares montée par son père produit 70% de vin blanc –muscadet, chardonnay, pinot gris–, ainsi que des vins rouges et pétillants.
Le yo-yo climatique rebat les cartes
Mais le volume de production est loin d’être le seul critère à prendre en compte. Le jeune vigneron confirme que la production espagnole "a toujours été assez proche" de la française. "Ça dépend des années. Quand ils ont des sécheresses, l’Espagne fait des récoltes plus faibles qu’en France", mais les Ibères commencent à talonner les Gaulois en termes de qualité.
"Ils font de bonnes choses. De plus en plus, les vignerons font des vins de meilleure qualité en Espagne. Ils reprennent des parts de marché aux vignerons français. Et désormais, il y a des vins d’Espagne assez chers", détaille Romain Petiteau.
Un visiteur français qui vient pour la première fois dans un supermarché espagnol sera agréablement surpris par le côté visuel des rayons. Des images coloriées, des personnages, des chats, des poissons et même des photos, les étiquettes en Espagne tranchent avec la tradition française, plus huppée. Une façon de présenter qui plaît également en France.
"J’ai une clientèle plutôt jeune. Avoir une étiquette un peu rigolote a un grand avantage. Quand on met une bouteille sur la table, il faut que ça soit joli, éventuellement drôle", confirme le vigneron ligérien.
Ainsi, le Domaine de la Tourlaudière fait-il de plus en plus attention à la présentation: les "packagings sont assez modernes, différents du classique". C’est de bonne guerre en ces années de vaches maigres: "les consommateurs mémorisent mieux les noms des producteurs, on fidélise avec un packaging propre et original".
Vins bio, c’est bon… pour la Terre
Si la France a cédé sa place en production, elle reste le deuxième pays consommateur de vin au monde, derrière les États-Unis et devant l’Italie. Néanmoins, la consommation française, en baisse depuis 30 ans, est passée de 100 litres par habitant et par an en 1975 à "seulement" 40 litres aujourd’hui. Mais le salut viendrait d’"une demande de plus en plus importante sur les vins labellisés bio".
"On note que les gens consomment moins en quantité, mais sont prêts à mettre plus d’argent par bouteille pour des vins de qualité. Il y a une prise de conscience des consommateurs que c’est mieux pour l’environnement et, à terme, pour la santé de tous", explique le jeune vigneron.
L’idée de passer le domaine en agriculture biologique en 2014 s’est révélée payante. Cette décision a permis de "valoriser le travail" que fait l’équipe et attire "beaucoup de nouveaux clients". La géographie de l’export des vins du domaine de Romain Petiteau s’est agrandie "depuis deux ans": Japon, Corée du Sud, Australie, États-Unis, Belgique, Italie, Angleterre, bientôt Norvège et Danemark.
Et même si l’année 2021 n’est pas propice à la production de masse, la montée en gamme permet de rester "compétitif par rapport aux vins italiens" et de tacler dans ce domaine le numéro un de la production.
"Le Muscadet est un vin très spécifique, c’est une variété de raisin présent seulement chez nous, il n’y a pas d’équivalent italien. Je vends du vin en Italie, à priori cela veut dire qu’il y a de la place pour mes vins sur le marché italien", rassure Romain Petiteau.