La propagande occidentale reprend du service à l’encontre de la Syrie de Bachar el-Assad. Après les nombreuses accusations fallacieuses d’usage d’armes chimiques durant le conflit, voici que les médias dominants se déchaînent de nouveau avec le retour des réfugiés syriens. Tortures, arrestations arbitraires, kidnapping, violences sexuelles… Tout y passe pour décrire le prétendu calvaire que subiraient les anciens émigrants.
Dernier récit en date, celui d’Asmaa al-Natour, forcé par les autorités danoises de quitter le Danemark pour rentrer en Syrie. Immortalisée par une photo qui a fait le tour des réseaux sociaux, l’histoire de cette Syrienne pleurant dans les bras de sa voisine servirait d’habillage narratif à un discours hautement politique: entraver coûte que coûte la réhabilitation du gouvernement syrien à l’international.
Une guerre médiatique contre la Syrie
D’ailleurs, en septembre dernier, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova avait déclaré que la Grande-Bretagne et la France utilisaient la question des réfugiés pour nuire à l’image de Damas. En somme, une guerre médiatique qui ne dirait pas son nom.
Des propos confirmés par Pierre Le Corf, humanitaire français présent en Syrie depuis 2016.
"Les personnes qui rentrent en Syrie ne risquent rien. Ce n’est pas dans l’intérêt du gouvernement syrien de les menacer. Il y a des protocoles à suivre comme dans tous les pays du monde avec des interrogatoires pour connaître les motifs de départ. C’est tout à fait normal. Il n’y a pas de torture ou autre sévice. La logique du gouvernement est de stabiliser et de sécuriser la vie de ses citoyens", souligne-t-il au micro de Sputnik.
Le gouvernement syrien s’évertuerait donc à tourner la page d’une décennie de guerre. Et il ne lésine pas sur les efforts. Le ministre des Affaires étrangères et des Expatriés, Fayçal Miqdad, a rencontré le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi, à Damas le 17 octobre dernier. Une manière pour la Syrie de montrer ses bonnes intentions en matière de coopération dans le domaine de l’humanitaire pour le retour des réfugiés syriens dans leurs villages. En septembre, le chef de la diplomatie syrienne avait même déclaré à l’ONU que le pays était ouvert au retour en toute sécurité des réfugiés.
Depuis 2016, quelque 300.000 Syriens seraient revenus
À ce propos, Damas a signé plusieurs lois d’amnistie graciant les auteurs de délits, de violations et de crimes. Seule exception, les méfaits portant atteinte à l’intégrité de l’État. Une main tendue contre les ennemis d’hier, d’après notre interlocuteur: "D’anciens opposants sont revenus. Ils ont été interrogés par les services de renseignements. Ils sont surveillés, mais ils mènent une vie normale."
Des mesures qui commencent à porter leurs fruits. De 2016 à mai 2021, plus de 282.000 Syriens sont rentrés d’Égypte, d’Irak, de Jordanie, du Liban, de Turquie… L’information émane du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), qui précise que les chiffres n’ont pu être totalement vérifiés et qu’ils pourraient donc être bien plus élevés.
Mais Damas aurait tout de même du pain sur la planche. Sur les 18 millions de Syriens, plus de 6 millions ont fui à l’étranger. Soit un tiers de la population! L’écrasante majorité, 5,6 millions, réside dans les pays voisins: Irak, Jordanie, Liban et Turquie.
La plupart des réfugiés en âge de porter une arme redoutent un retour en Syrie. Et pour cause, le service militaire y est obligatoire jusqu’à 35 ans (40 ans pour les réservistes). "Personne n’a envie de crever sur le front d’Idlib", martèle l’humanitaire. Mais une option reste sur la table: suivant un décret de novembre 2020, la personne chargée du service obligatoire a le droit de payer une allocation en espèces de 3.000 dollars ou l’équivalent en livres syriennes pour éviter ce service militaire. De surcroît, la conscription ne dure plus que six ans au lieu de sept ans et demi.
Mais, derrière les raisons sécuritaires, se cachent surtout des motivations économiques qui empêcheraient littéralement les réfugiés de revenir.
"Il y a dix ans, c’était des réfugiés politiques, opposés au gouvernement. Aujourd’hui, ce sont uniquement des réfugiés économiques, ils ont quitté le pays il y a cinq ans et plusieurs continuent de prendre la route de l’exil", résume Pierre Le Corf.
Pourtant, tous les signaux semblaient au vert. Outre la sécurisation d’une grande partie du territoire depuis plusieurs mois, la Syrie est en passe d’officialiser son grand retour sur l’échiquier régional. Entre l’ouverture de la frontière avec la Jordanie, la participation à un projet gazier local, l’envoi de délégations à l’étranger et les contacts avec des chefs d’États arabes, tout indiquait que Damas renaissait de ses cendres. Mais c’était sans compter avec le maintien des sanctions occidentales. Malgré un allégement du dispositif afin de permettre l’acheminement du gaz égyptien et de l’électricité jordanienne vers le Liban, les mesures coercitives pèsent toujours sur la situation.
"Nous ne cherchons pas à changer de régime à Damas, mais nous essayons certainement de changer les actions du régime Assad. C’est pourquoi nous avons des sanctions comme la loi César, parmi d’autres mesures auxquelles le régime et ses partisans sont confrontés", avait déclaré en septembre dernier Joey Hood, secrétaire d’État adjoint par intérim aux Affaires du Proche-Orient. Cette loi César empêche la Syrie de commercer avec l’extérieur, la privant littéralement d’importations.
Des sanctions qui retarderaient grandement la reconstruction du pays.
"Si les gens n’ont pas envie de revenir, c’est à cause de la situation économique. La réalité, c’est qu’il y a une botte au-dessus du pays. La Syrie se reconstruit au ralenti. Les industriels peinent à lancer des projets. Les possibilités sont très rares", insiste l’humanitaire.
De ce fait, ce sont tous les pans de la société qui en pâtissent. La classe moyenne se raréfie et la pauvreté touche environ 90% de la population. "Avant la guerre, la livre syrienne était à 500 pour un dollars, aujourd’hui elle est à 3.500, déplore Pierre Le Corf. La situation économique est pire que durant les hostilités." En effet, avant le conflit, le salaire mensuel moyen des fonctionnaires syriens était de 20.000 livres syriennes, soit environ 400 dollars à l’époque. Malgré les récentes augmentations du gouvernement, le pouvoir d’achat des salariés a fondu à cause de l'inflation et de la dépréciation de la monnaie. Aujourd’hui, un employé de l’État touche 55.000 livres syriennes, mais cela ne représente plus qu’une quinzaine de dollars.
"Sans les sanctions américaines, une grande majorité des réfugiés reviendrait en Syrie", conclut Pierre Le Corf.
Une fois de plus, la presse occidentale aurait tout faux. Si les réfugiés tardent à revenir en Syrie, ce n’est pas la faute de Damas, mais bel et bien à cause des Américains et de leurs alliés.