Le géant français Lafarge, leader mondial du ciment, était mis en examen en 2018 pour avoir financé Daech* en pleine guerre en Syrie. Lui étaient notamment reprochés: "financement d’une entreprise terroriste", "complicité de crimes contre l’humanité", "violation d'un embargo" et "mise en danger de la vie d'autrui".
Or l’agence de presse gouvernementale turque Anadolu a révélé que l’entreprise aurait informé régulièrement les services de renseignement français de ses relations avec l’organisation terroriste. Ainsi, le chef de la sécurité du géant aurait sollicité des agents français pour "établir des relations avec des acteurs locaux afin de poursuivre son travail". Anadolu cite un officier du renseignement français qui a tenu à rester anonyme: "Pendant la période 2012-2014 Lafarge a envoyé du ciment à tous les groupes armés en Syrie (y compris le Front al-Nosra*)."
Loïk Le Floch-Prigent, ancien patron de Rhône-Poulenc et Elf Aquitaine et ancien président de Gaz de France et de la SNCF, évoque son expérience pour replacer dans le contexte les contacts présumés entre Lafarge et les services de renseignement de l’État:
"Il est clair que le dialogue existe entre l’industriel… et les pouvoirs publics qui sont là en train de faire la politique générale. Il est clair que Lafarge n’aurait pas pu continuer à travailler si les pouvoirs publics n’avaient accepté qu’il continue. L’État, qui savait que Lafarge produisait là, n’a pas dit à Lafarge de ne plus produire. Donc c’est l’État qui n’a pas manifesté son autorité et son pouvoir à l’égard de Lafarge au moment déterminé."
*Organisation terroriste interdite en Russie