Souvent considérée comme le "Texas canadien", la province de l’Alberta sera-t-elle un jour indépendante? Selon un récent sondage de la firme Mainstreet Research, 45% des Albertains sont favorables à leur autonomie face au Canada, mais le dernier référendum sur la péréquation tenu dans cette province de l’Ouest pourrait calmer les ardeurs du mouvement sécessionniste, estime à notre micro le politologue Christian Dufour:
"C’est un pétard mouillé. Le résultat du référendum n’est pas assez fort, surtout que le taux de participation a été de seulement 39%. L’aliénation des provinces de l’Ouest s’accentue, mais pour le moment, il ne semble pas y avoir d’issue politique à ce malaise régional."
Le 18 octobre dernier, les Albertains ont en effet été appelés aux urnes pour se prononcer en faveur du maintien du système de péréquation ou de son retrait de la Constitution. Le 26 octobre, les résultats sont enfin tombés: 62% d’entre eux souhaitent l’abolir dans un contexte où leur province connaît une récession économique.
Un système de répartition des richesses qui ébranle l’unité canadienne
Système transférant les recettes fédérales des provinces les plus riches aux provinces les plus pauvres, la péréquation est devenue une véritable pomme de discorde dans la fédération. Étant l’un des plus riches territoires du pays, l’Alberta ne bénéficie pas de ce système, mais y contribue généreusement.
"Jason Kenney [Premier ministre de l’Alberta, ndlr] n’a pas réussi à envoyer le signal fort qu’il espérait et dans cette situation, le mouvement autonomiste n’a rien de clair devant lui", souligne Christian Dufour.
Essentiellement fondée sur l’extraction du pétrole issu des sables bitumineux –une méthode jugée excessivement polluante–, l’économie albertaine est ralentie par la mise en place de nouvelles politiques environnementales par Ottawa.
Nouveau ministre de l’Environnement: une "déclaration de guerre"?
Ces dernières années, l’annulation de divers projets de construction d’oléoducs, amputée à la politique des autorités centrales du Canada, a également mis à mal la croissance albertaine, une grande source de frustration dans la province de l’Ouest:
"L’Alberta a fait face à une série de lois et de politiques discriminatoires qui ont nui à l’économie de la province et à notre autorité constitutionnelle, incluant la propriété de nos ressources naturelles. Cela a eu comme conséquence la perte de milliers d’emplois et des rêves abandonnés", a regretté le Premier ministre albertain.
Le 26 octobre, le jour de l’annonce des résultats du référendum sur la péréquation en Alberta, le Premier ministre fédéral réélu Justin Trudeau a dévoilé la composition de son nouveau Conseil des ministres. L’ex-militant écologiste Steven Guilbeault a été nommé ministre fédéral de l’Environnement, ce qui est perçu par plusieurs observateurs comme un affront à la province rebelle.
Selon le chef du Parti conservateur et de l’opposition officielle à la Chambre des communes, Erin O’Toole, le nouveau Conseil des ministres pose "un risque bien réel" pour "la prospérité économique et l’unité nationale" du Canada.
Christian Dufour est aussi d’avis que la nomination de Steven Guilbeault à l’Environnement peut être interprétée comme une "véritable déclaration de guerre":
"Il y a le fait que plusieurs ministres semblent avoir été nommés sur la base de leur sexe ou de leurs origines ethniques. Mais avec Steven Guilbeault, ce nouveau conseil peut vraiment heurter les Albertains qui éprouvent un sentiment d’aliénation remontant au tout début de la Confédération canadienne."
Selon le politologue, la gestion jugée catastrophique de la crise sanitaire par le gouvernement Kenney peut aussi expliquer l’actuel "manque de crédibilité" du mouvement autonomiste et indépendantiste albertain. À la mi-septembre, le Premier ministre Kenney avait offert ses excuses à la population pour la hausse spectaculaire des hospitalisations attribuée à sa politique sanitaire jugée trop souple.
Un passeport vaccinal pour accéder à certains établissements publics a été mis en œuvre.
"Durant la crise sanitaire, Jason Kenney n’est pas parvenu à offrir de contre-modèle. Cette gestion a dû lui coûter des appuis dans sa quête d’autonomie et freiner l’enthousiasme d’une partie du mouvement. […] Jason Kenney était vraiment l’un des espoirs albertains", conclut Christian Dufour.